Ne manquez pas le commentaire de Jess Williams, Analyste, Investissement Responsable, Columbia Threadneedle Investments sur les avantages du nucléaire dans la transition énergétique.
Le nucléaire présente de nombreux avantages par rapport aux autres technologies énergétiques propres : il fournit une énergie de base (quantité minimum d’énergie qu’un réseau électrique peut être amené à fournir au cours d’une période donnée) propre et fiable, ce qui peut ne pas être le cas d’autres sources d’énergie renouvelable plus versatiles ; il assure un approvisionnement stable quels que soient le moment et les conditions météorologiques ; et il nécessite moins de matières premières que les autres technologies de transition (Figure 1). Autant de qualités essentielles pour assurer la transition de nos systèmes énergétiques vers la neutralité carbone.
Figure 1 : matières premières indispensables à la transition vers une économie sobre en carbone par type de technologie
Source : Commission européenne, Matières premières critiques pour les technologies et les secteurs stratégiques au sein de l’UE, une étude prospective, 9 mars 2020 ; AIE, The role of critical minerals in clean energy transitions, mai 2021 ; analyse McKinsey.
Cependant, le nucléaire est aussi controversé. La technologie a mauvaise presse auprès du grand public en raison des déchets radioactifs qu’elle génère et des incidents qu’elle peut provoquer, tels que la catastrophe de Fukushima en 2011. L’uranium enrichi trouve en outre des applications dans le domaine de l’armement, raison pour laquelle les programmes nucléaires menés par des pays comme la Corée du Nord, l’Iran et bien entendu la Russie suscitent autant l’inquiétude des gouvernements occidentaux. Outre ces facteurs de risque importants, l’énergie nucléaire est chère, et les projets dans ce domaine accusent souvent des retards et des dépassements de budget – bien que certains pays asiatiques semblent avoir trouvé la parade.
Cependant, les avantages semblent l’emporter sur les inconvénients, et le nucléaire revient sur le devant de la scène – notamment au Royaume- Uni et en Europe – à l’heure où les gouvernements cherchent des moyens d’accroître la sécurité énergétique et d’atteindre leurs ambitieux objectifs en matière de réduction des émissions. La plupart des centrales nucléaires en service aujourd’hui sont de troisième génération et utilisent le plus souvent des réacteurs à eau pressurisée, lesquels exploitent de manière relativement peu efficace l’énergie contenue dans les matières premières, généralement dans une proportion de 5 à 8% seulement, et génèrent par conséquent beaucoup de déchets. En revanche, les réacteurs de quatrième génération, tels que les réacteurs à eau lourde avancés et à sels fondus, peuvent exploiter 95 à 98% de l’énergie contenue dans les combustibles, mais ils ne seront pas mis en service avant longtemps. Les petits réacteurs modulaires (PRM), qui sont bien moins volumineux et peuvent être construits beaucoup plus rapidement et de manière standardisée, représentent une solution à plus court terme. La fusion nucléaire a également fait l’objet d’un large écho dans la presse récemment par suite des avancées réalisées dans ce domaine.
Comment réduire les coûts ?
Comme le montre la Figure 2, des pays comme la Corée du Sud et la Chine sont parvenus à réduire le coût du nucléaire, en grande partie grâce à leurs méthodes de construction. Dans ces deux pays, les centrales sont toutes construites sur le même modèle plutôt que selon un schéma propre à chaque projet, comme c’est le cas ailleurs, ce qui permet de réduire sensiblement les coûts et les délais. Une autre différence réside dans le fait que, du fait de la régularité de ces projets, la main-d’œuvre possède les compétences nécessaires, alors que dans les régions où la construction de centrales est moins fréquente, elle doit suivre une formation complémentaire pour se mettre à niveau, ce qui prend du temps.
Figure 2: nuclear levelised costs per unit of output ($/mwh)
Source: Jan Emblemsvag, Safe, clean, proliferation resistant and cost-effective Thorium-based Molten Salt Reactors for sustainable development, February 2021
Si l’on observe les coûts de la centrale de Hinkley Point C, en cours de construction au Royaume- Uni et qui devrait être achevée à la fin de l’année, on constate que le financement représente le poste le plus important (Figure 3). Cela tient au fait que les projets nucléaires européens présentent des risques relativement élevés pour les banques, dans la mesure où l’opinion politique est souvent divisée et changeante, mais aussi en raison des retards et des dépassements de budget importants qu’accusent généralement les projets. Si, à l’instar de la Corée du Sud, des pays comme le Royaume-Uni pouvaient construire leurs centrales selon une approche plus standardisée, permettant d’éviter en partie les retards et les surcoûts, cela pourrait contribuer à réduire les coûts de financement. Cependant, les avantages induits par une telle standardisation – pour autant qu’elle soit possible – devraient être appréciés au regard de l’évolution des taux d’intérêt, pour l’heure encore bas, mais en hausse, à laquelle les projets d’infrastructures à longue durée de vie, comme les centrales nucléaires, sont particulièrement sensibles.
Figure 3 : Ventilation du coût de Hinkley Point C
Source : Generation Atomic, The Hinkley Point C case: is nuclear energy expensive?, 23 décembre 2019.
Quid de la sécurité ?
La sécurité est une préoccupation majeure dans le domaine des technologies nucléaires, du fait en grande partie des accidents survenus par le passé, à Fukushima et Tchernobyl notamment. Cependant, ces deux accidents étaient dus en partie à des facteurs propres à ces sites, de sorte qu’il est peu probable qu’ils se reproduisent ailleurs. La centrale de Tchernobyl par exemple était équipée d’un réacteur RMBK qu’aucun pays en dehors de l’URSS n’a jamais utilisé en raison d’inquiétudes sur plusieurs de ses caractéristiques. Quant à celle de Fukushima, elle n’était pas conçue de façon appropriée au regard de son implantation, sur la ligne de faille entre deux plaques tectoniques – une zone sujette aux tremblements de terre et à leurs effets secondaires, tels que les tsunamis. Aussi le drame était- il inévitable lorsqu’un tremblement de terre s’est produit. Malgré les circonstances spécifiques à l’origine de ces incidents, l’inquiétude subsiste quant aux déchets et à la possibilité d’accidents imprévus à l’avenir.
Le Centre commun de recherche (CCM), le service scientifique interne de la Commission européenne, a récemment rendu son avis sur la question de savoir si le nucléaire devait être intégré dans la taxonomie de l’UE en matière de finance durable. Selon lui, il n’existe aucune « preuve scientifique que l’énergie nucléaire est plus dommageable pour la santé humaine ou pour l’environnement que d’autres technologies de production d’électricité [c.-à-d. éoliennes et solaires] déjà incluses dans la taxonomie en tant qu’activités contribuant à l’atténuation du changement climatique ». En effet, comme le montre la Figure 4, du point de vue des décès dus à la pollution atmosphérique, l’énergie nucléaire obtient un classement nettement plus favorable que les combustibles fossiles et la biomasse, et figure sensiblement au même niveau que l’énergie éolienne, l’hydroélectricité et l’énergie solaire.
Figure 4 : taux de décès liés à la production d’énergie par TWh
Source : Markandya & Wilkinson, 2007 ; Sovacool et al., 2016 ; Our World in Data.
Et demain ?
A court terme, on peut s’attendre à une augmentation du nombre de centrales de troisième génération, dotées de réacteurs à eau pressurisée. En effet, en France, Emmanuel Macron a récemment annoncé la mise en service d’au moins 6 et au plus 14 nouveaux réacteurs.
Des PRM de nouvelle génération devraient ensuite commencer à voir le jour à la fin de la décennie. La Chine espère mettre en service son premier réacteur de ce type d’ici 2026, tandis qu’au Royaume-Uni, des PRM (fabriqués par Rolls-Royce) devraient entrer en fonction dès le début de la décennie 2030.
A plus long terme, les technologies de quatrième génération pourraient devenir une réalité commerciale. Nombre de ces technologies sont à l’étude depuis des décennies et certaines ont été testées, mais aucune n’a encore été déployée avec succès sur le marché. Par exemple, un certain nombre de projets de recherche financés par des fonds publics, mais aussi de start-ups, se sont intéressés dernièrement aux réacteurs à sels fondus.
Enfin, la fusion nucléaire fait aussi partie de l’équation. Toutes les technologies évoquées précédemment font appel à la fission nucléaire, qui consiste à fractionner des atomes lourds (généralement d’uranium). Dans le cas de la fusion nucléaire, il s’agit à l’inverse de fusionner des éléments légers (comme l’hydrogène). Si certains se plaisent à affirmer sur le ton de la plaisanterie que la fusion nucléaire n’aboutira pas avant encore 40 ans, les récentes avancées dans ce domaine, conjuguées à la forte augmentation des fonds qui y sont alloués – de centaines de millions à des milliards de dollars –, démontrent que cette technologie a toute sa place dans nos perspectives à long terme. Les entreprises spécialisées dans la fusion estiment qu’il faudra attendre encore cinq ans avant qu’une réaction de fusion produise plus d’énergie qu’elle n’en consomme, mais que l’on pourrait voir des centrales pilotes apparaître d’ici 10 ans. A l’horizon 2050, la fusion nucléaire pourrait représenter selon elles un pourcentage à un chiffre du bouquet énergétique mondial. La fusion présente d’autres avantages en ce qu’elle génère des déchets moins radioactifs que la fission et que ses applications militaires sont limitées, ce qui peut la faire apparaître sous un jour plus favorable aux yeux du public.
Figure 5 : Tableau comparatif des technologies
1 https://www.neimagazine.com/features/featurethe-stable-salt-reactor-5773898/
Pour lire le commentaire complet, cliquez ici.
Par Jess Williams, Analyste, Investissement Responsable, Columbia Threadneedle Investments
Pour accéder au site, cliquez ICI.
A propos de Columbia Threadneedle Investments
Columbia Threadneedle Investments est un gestionnaire d’actifs international de premier plan qui propose une large gamme de stratégies et de solutions d’investissement à gestion active pour le compte d’une clientèle internationale composée d’investisseurs institutionnels, d’entreprises et de personnes physiques.
Nous comptons plus de 2.500 collaborateurs, dont plus de 650 professionnels de l’investissement situés en Amérique du Nord, en Europe et en Asie1. Nous gérons 663 milliards EUR2 d’actifs dans les domaines des actions, des obligations, des stratégies multi-actifs, des solutions et des produits alternatifs.
Notre priorité est la réussite des investissements de nos clients. Par le biais d'une approche d'investissement active et cohérente, fondée sur le travail collaboratif, la maîtrise du risque et la performance, nous nous attachons à offrir aux investisseurs ce qu'ils recherchent, à savoir des rendements solides et reproductibles en termes ajustés du risque. Toutes nos équipes d’investissement à travers le monde œuvrent dans un effort collectif à la recherche d’idées d’investissement. La mise en commun de nos connaissances sur les différentes classes d’actifs et zones géographiques nous permet d’apporter des points de vue mieux éclairés sous l’angle mondial, régional ou local. Au sein d’un environnement hautement collaboratif, nos capacités d’échange et de débat viennent enrichir les processus d’investissement de nos équipes afin que seules les meilleures idées intègrent nos portefeuilles. Aussi les décisions que nous prenons pour nos clients se fondent-elles sur des convictions fortes.
Columbia Threadneedle Investments est la division internationale de gestion d’actifs d’Ameriprise Financial, Inc. (NYSE :AMP), un grand fournisseur américain de services financiers. En tant que tel, nous bénéficions de l’appui d’un grand groupe diversifié et à forte capitalisation.
1Au 31 décembre 2021, Columbia Threadneedle Investments et BMO GAM (EMEA)
2Au 31 décembre 2021.