La Fed a été claire dans son communiqué du 22 mars et lors de la conférence de presse de son président : « Les évènements récents au sujet du système bancaire vont probablement durcir les conditions d’octroi de crédit aux ménages et aux entreprises et peser sur l’activité économique, l’emploi et l’inflation. Il est encore trop tôt pour en mesurer les effets et dire comment la politique monétaire doit y répondre. Par conséquent, nous n’affirmons plus qu’une série de hausses des taux soit nécessaire pour réprimer l’inflation ».
Évidemment, ce genre de phrases nourrit aussi bien les arguments des optimistes que des pessimistes. Il convient donc de rester factuel. Le premier point est que la Fed est probablement proche d’une pause dans son cycle de durcissement monétaire, en dépit d’une inflation trop élevée, sans ouvrir la voie aux baisses de taux, ni fermer définitivement la porte, à terme, à d’autres augmentations. Le second point est que nous devrions connaître une période de durcissement du crédit aux États-Unis du fait de la crise bancaire. D’habitude quand une économie est trop forte et en plein emploi, comme c’est le cas outre-Atlantique, une banque centrale dispose d’un autre outil pour freiner la croissance des prêts bancaires : la hausse du taux des réserves obligatoires que doivent déposer les banques commerciales dans ses livres. Dans un scénario inverse le 17 mars dernier, la Banque Populaire de Chine a diminué de 0,25 % à 7,6 %, le taux des réserves. Cette mesure vise à réinjecter des liquidités dans l’économie pour relancer le crédit dans un environnement de crise immobilière. Il est très intéressant de noter qu’aux États-Unis, ce resserrement du crédit serait presque bienvenu pour la Fed, car l’efficacité de l’arme des hausses de taux pour contrer l’inflation atteint ses limites et devient même dangereuse, car elle provoque des dépréciations d’actifs qui mettent en péril les institutions financières.
Selon une note de la banque JP Morgan, 1 000 milliards de dollars ont fui les banques les plus fragiles depuis plus d’un an. La moitié de ce montant aurait été investie dans des fonds monétaires et l’autre moitié (soit 500 milliards) aurait été déposée vers les quatre plus grosses banques américaines. La solidité de ces dernières est également démontrée par cette statistique : 75 % des réserves des banques américaines déposées à la Fed sont réalisés par ces quatre grandes banques (JP Morgan Chase, Bank of America, Citibank et Wells Fargo), alors qu’elles représentent 55 % des bilans. Elles sont donc très solides. En revanche, le problème concerne les banques moyennes (les 300 suivantes), avec 10 % des réserves au total, soit un ratio bien inférieur à leur quote-part des bilans (25 %). Elles sont donc fragiles et cela explique la faillite de la quatorzième (First Republic) et de la seizième (Silicon Valley Bank), dans un contexte de stress de liquidités. La conclusion évidente est que l’on va vivre un mouvement de concentration, qui va renforcer la domination des plus grosses. Ce sont donc les grandes gagnantes de la crise, qui pourront soit racheter d’autres banques, sous la bénédiction des régulateurs, soit proposer davantage de crédits, avec l’afflux des nouveaux dépôts.
Le sauvetage du Crédit Suisse via son rachat par UBS en est l’illustration. Cette dernière offre 3 milliards de francs suisses pour les 45 milliards de fonds propres inscrits au bilan de 2022. Même si l’on retire les 16 milliards d’obligations convertibles conventionnelles (CoCo ou AT1) qui ne seront pas remboursées, l’acquéreur fait une excellente opération sur le papier, qui va lui permettre de déprécier tous les actifs « pourris » et les céder. Enfin, si on ne connait pas encore l’évolution du crédit bancaire ces prochains mois, on peut déjà affirmer que le crédit à la consommation aux États-Unis devrait continuer à croître. En effet, selon les statistiques de la Fed depuis 1943, le montant des prêts accordés a toujours augmenté sauf en 2008-2009 et en mars 2020, pendant le confinement. Le problème se situe donc au niveau du crédit immobilier (nous sommes négatifs sur ce secteur) et à ceux accordés aux entreprises (nous évitons les plus endettées).
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Par Arnaud Benoist Vidal, Analyste macroéconomique, Gérant du fonds Arc Actions Santé Innovante
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