La macroéconomie a repris le dessus cette semaine, pourtant chargée en publications d’entreprise. Ainsi, les projecteurs ont été de nouveau braqués sur les banquiers centraux, à la suite des réunions de leur comité de politique monétaire.
Comme attendu, la Fed et la BCE ont relevé leurs taux directeurs de 0,25 %, les portant respectivement à 5,25 % (pour la limite haute des Fed Funds aux États-Unis) et à 3,25 % (pour le taux de dépôt en zone euro). Au-delà de ces décisions sans surprise, les investisseurs ont particulièrement scruté tous les mots écrits dans les communiqués et prononcés au cours des conférences de presse des présidents de ces deux institutions. Il en résulte un assouplissement du discours outreAtlantique, avec dorénavant la prise en compte du décalage entre le resserrement cumulatif, et restrictif, de la politique monétaire et ses effets sur l’activité économique et l’inflation. Les pessimistes ont également noté que la Fed était prête à en faire plus si cela était justifié. En résumé, on est peut-être proche d’un pic sur les taux directeurs, mais rien n’est exclu. Du côté de la BCE, le message était plus restrictif, à savoir que les perspectives d’inflation demeurent trop élevées sur une période trop longue et qu’il est clair que la banque centrale était loin d’une pause.
Ces ajustements de politique monétaire ont été vite oubliés, avec de nouvelles craintes sur le système bancaire américain. Le titre PacWest Bancorp perdait encore 50 % en séance ce jeudi, affichant une baisse proche de 90 % depuis un an. Toutefois, le gros stress est venu de US Bancorp dont le titre perdait plus de 12 % en séance, avant de se reprendre et ne céder plus que 2,75 %. La nouveauté dans cette crise est que l’onde de choc atteint désormais une banque, autre que régionale, avec plus de 505 milliards de dollars de dépôts et 40 milliards de dettes. L’impact d’une défaillance de cette institution peut potentiellement être systémique. Il est donc primordial de dresser un bilan objectif de cette société. Celle-ci a réalisé au premier trimestre un résultat net de 1,7 milliards de dollars (5,5 en 2022). Les sceptiques pointent du doigt, à juste titre, le faible niveau de fonds propres sur actifs (ratio de Core Tier 1 de 8,5 %), comparé à ses paires comme JP Morgan à plus de 13 %. Les pertes latentes dans le portefeuille voué à être cédé, ou « AFS » en anglais, sont évaluées à plus de 4 milliards de dollars, peuvent être rapidement absorbées, à comparer à un résultat d’exploitation de plus de 7 milliards de dollars l’année dernière. Tout va donc dépendre de la si redoutée fuite des dépôts, que la banque chiffre à 20 milliards de dollars depuis le 31 décembre dernier, dont seulement 3 depuis le 8 mars, date de la chute de Silicon Valley Bank. De ce fait, la situation semble être sous contrôle, avec 315 milliards de liquidités disponibles à fin mars.
Dans ce contexte tendu, les investisseurs misent toujours sur une baisse des taux directeurs de la Fed, de l’ordre de 100 points de base (1 %), d’ici la fin de l’année. Le point pivot serait pour juin ou juillet, avec un début de baisse pour septembre. Pourtant, la situation nous semble plus complexe, avec d’un côté des créations d’emplois (296 000 en avril selon l’ADP) et une inflation de base (5,6 % en mars) toujours élevées, et de l’autre une activité qui risque de ralentir davantage, avec une offre de crédit en berne, de par la crise bancaire. La Fed doit donc faire la synthèse entre deux piliers qui militent pour la poursuite d’un durcissement monétaire et un troisième malade, un peu comme un bridge chez un dentiste. Tout cela ne favorise pas, selon nous, un assouplissement aussi proche et qu’on sera sans doute sur un plateau plus longtemps que ne l’anticipe le marché, et justifie plutôt une approche prudente ces prochaines semaines.
Pour consulter la lettre hebdomadaire dans son intégralité, cliquez ICI.
Par Arnaud Benoist Vidal, gérant d’actifs
Pour accéder au site, cliquez ICI.