« Le recours aux instruments de court terme peut s’avérer pertinent mais en complément des investissements en actions et en obligations. »
Ces deux dernières années, les liquidités et autres instruments financiers de court terme ont généré de solides performances, supérieures à celles d’un portefeuille diversifié composé à la fois d’actions et d’obligations (dans le graphique, les zones en gris correspondent aux périodes où les liquidités surperforment un portefeuille diversifié) dans un environnement qui n’offrait que de rares refuges aux investisseurs, les obligations traversant le pire marché baissier1 de l’histoire. D’ailleurs, ce phénomène semble avoir contribué au succès des derniers appels à l’épargne nationale lancés par différents États européens2. Mais si, comme on peut désormais l’affirmer, la détention de liquidités s’est avérée un temps plus avantageuse que des investissements en actions et en obligations, il est rarement judicieux de se baser uniquement sur les données passées pour préjuger de ce que sera le futur.
Opportunité ou importunité ?
Il est vrai que les liquidités offrent un refuge bienvenu, en particulier en période de stagflation3. Pour autant, le choix du bon moment pour désinvestir ou réinvestir sur les marchés boursiers n’a rien d’évident. Si l’histoire peut constituer une forme de guide, il serait préférable d’investir dans un portefeuille diversifié comprenant à la fois des actions et des obligations – y compris quand le monétaire et autres instruments de court terme affichent des rendements équivalents – voire supérieurs – à ceux que l’on peut trouver sur les marchés d’actions et d’obligations souveraines ou d’entreprises. Bien qu’il puisse être tentant de s’assurer des rendements de 4% en euros (ou de 5% en dollars) via des fonds monétaires ou autres comptes à terme, tout investisseur rationnel préférera voir plus loin que l’indéniable portage4 offert par ces instruments à court terme. En effet, si ce sont des rendements que l’on vise, alors d’autres segments et classes d’actifs offrent de bien meilleures opportunités.
Sur les marchés obligataires, on peut chercher à profiter à la fois des composantes portage et prix, d’autant que la fin probable du cycle de resserrement monétaire tant en zone euro qu’aux États-Unis s’accompagne d’un risque de réinvestissement5 accru. Dès lors, il apparaît possible de bénéficier à la fois du rendement attractif qu’offre actuellement les marchés obligataires et de la baisse des taux à venir (qui, toutes choses égales par ailleurs, aura un impact positif sur les prix des obligations).
Sur les marchés d’actions, il convient de se préparer à des temps plus difficiles, qui pourront découler d’un environnement de croissance ralentie, ou d’un contexte encore plus stagflationniste où l’inflation a plus tendance à surprendre à la hausse, que la croissance à la baisse. Au-delà de l’art délicat du « timing », l’approche dite « barbell » semble la mieux adaptée à ce problème. Elle consiste à investir à la fois dans des valeurs et des secteurs6 qui bénéficieront d’une inflation persistante et/ou des mesures de relance plus franche en Chine, et dans des secteurs ou des titres défensifs7.
En tout état de cause, les liquidités sont loin d’être la solution. Elles peuvent cependant en faire partie, en réduisant le risque à court terme et, lorsque l’incertitude s’atténuera, en facilitant l’arbitrage de nos investissements vers des segments plus porteurs de stratégie de « barbell ».
1Sur les trois dernières années, un bon du Trésor américain à 10 ans a perdu autant que l’indice d’actions S&P 500 entre son pic et son creux au plus fort de la crise du Covid. Sur la même période, un bon du Trésor américain à 30 ans a perdu autant que l’indice d’actions S&P 500 entre son pic et son creux au plus fort de la crise financière de 2007-2008.
2Les émissions BTP Valore (Italie) et de bons Van Peteghem (Belgique) ont permis de lever chacun près de 20 milliards d’euros en l’espace de quelques jours.
3Stagflation : situation économique caractérisée par la survenue simultanée d’une faible croissance et d’une inflation forte.
4Portage : gain potentiel découlant de la détention d’une obligation après imputation des coûts de financement.
5Risque de réinvestissement : possibilité qu’un investisseur se trouve dans l’incapacité de réinvestir à un taux équivalent les coupons ou intérêts perçus sur un investissement.
6Or, énergie, matériaux, Japon, Chine.
7Santé, valeurs de qualité, leaders sectoriels.
Par Kevin Thozet, membre du comité d'investissement.
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