Le 5 novembre dernier, Donald Trump a été élu 47ème président des Etats-Unis. C’est dans ce contexte que les équipes Ecofi ont décidé d’étendre et d’actualiser la grille d’analyse publiée la veille des résultats de l’élection présidentielle américaine (voir le marché du lundi du 4/11 intitulé « Le rouge et le bleu »).
Pour ce faire, les experts d'Ecofi ont considéré opportun de distinguer quatre thématiques, allant des implications pour le couple croissance/ inflation à l’impact sur les marchés financiers. L’évaluation de ces différentes briques sera bien entendu amenée à évoluer au sein de différentes publications Ecofi, au gré de l’évolution de la situation, de la publication des statistiques économiques et à horizon de la publication du scénario macroéconomique 2025.
1. Couple croissance/ inflation
Le parti Républicain n’a pas seulement gagné la présidentielle avec l’élection de Donald Trump à la tête des Etats-Unis, puisque cette victoire s’est également accompagnée de l’obtention d’une majorité au Sénat et tout porte à croire qu’il en sera de même pour la Chambre des représentants. C’est ainsi le scénario de « vague rouge » qui s’est matérialisé.
Dans ce contexte, il n’y a pas d’obstacle majeur à la mise en œuvre du programme de Donald Trump. Ainsi, nous conservons notre approche consistant à anticiper qu’un effet net positif sur la croissance économique l’emportera, dans un premier temps en tout cas, à la fois pour des raisons propres au programme du nouveau président, mais également grâce à des facteurs exogènes.
L’activité économique américaine demeure solide et la croissance est à son potentiel. En outre, plusieurs éléments militent pour indiquer que les autres parties du monde sont en passe d’accélérer à horizon 2025, à la faveur notamment des baisses de taux et des distorsions pandémiques qui s’estompent. En net, nous pensons ainsi que l’effet positif l’emportera.
Autrement dit, que la surchauffe des Etats-Unis entraînera un réchauffement supplémentaire de la croissance des autres pays développés. Si la mise en place de tarifs douaniers est un frein pour la croissance mondiale, ne serait-ce que du fait de l’incertitude qu’ils engendrent, les baisses de taxes sont aussi un accélérateur pour la croissance américaine et, par contagion, mondiale.
D’autre part, l’incertitude entourant le résultat des élections a entraîné une forme d’attentisme dans les choix d’investissement ou de consommation des entre-prises et ménages américains. Il conviendra ainsi de surveiller les différentes enquêtes conjoncturelles dans les prochains mois afin de confirmer ou d’infirmer ce point, en particulier le sentiment des petites entreprises et les intentions d’investissement du secteur manufacturier.
En contrepartie, l’inflation devrait repartir à la hausse, sans pour autant s’approcher des pics observés après la pandémie. Ce regain résulterait à la fois de la hausse des tarifs douaniers (composante offre), mais également du surcroît de croissance engendré (composante demande).
Tout l’enjeu sera ensuite de déterminer dans quelle mesure une nouvelle guerre commerciale peut se matérialiser, en particulier avec la Chine...
Tout l’enjeu sera ensuite de déterminer dans quelle mesure une nouvelle guerre commerciale peut se matérialiser, en particulier avec la Chine, mais aussi avec l'Europe, et son impact sur l’activité économique (rappelons-nous de la mini récession manufacturière américaine en 2019), ainsi que l’approche adoptée par la banque centrale américaine dans ce contexte, ce qui offre une transition parfaite avec le point numéro 2.
2. Banque centrale américaine
Comme indiqué plus haut, la mise en œuvre du programme de Donald Trump aboutirait a minima à plus d’inflation. À court terme, cela ne devrait pas pénaliser le chemin ni le raisonnement entrepris par la Fed depuis septembre, soit une poursuite de sa volonté d’ajuster sa politique monétaire. À moyen terme, et une fois les premières mesures prises par le nouveau président, l’institution pourrait en revanche être stoppée dans son élan. Un scénario alternatif consistant à entrevoir une hausse des taux directeurs ne serait pas non plus totalement à exclure.
En outre, l’expérience du premier mandat de Donald Trump nous a montré que les interférences et les injonctions du pouvoir politique à l’égard des autorités monétaires avaient été nombreuses.
En plus de devoir se conformer à son double mandat (emploi et inflation), la Fed devra probablement batailler pour conserver son indépendance vis-à-vis du pouvoir politique.
3. Environnement géopolitique
Le régime de risque géopolitique a considérablement changé depuis la guerre en Ukraine, comme en témoigne la recherche académique et notamment l’indicateur développé par Caldara et Iacoviello (2022). S’agissant du conflit au Proche-Orient, Israël semble pouvoir compter sur le soutien du nouveau président. L’incertitude est plus forte concernant la guerre en Ukraine, où les aides financières et la fourniture d’armes pourraient se réduire. On comprend donc aisément que l’enjeu sécuritaire pour l’Europe est majeur. Les dirigeants de la zone Euro pourraient donc être tentés de s’unir encore davantage pour déployer les investissements nécessaires à l’autonomie stratégique du continent.
S’il est encore trop tôt pour véritablement qualifier l’orientation prise par la nouvelle équipe présidentielle en matière de politique extérieure, les propos tenus jusqu’à présent constituent néanmoins une poche d’instabilité supplémentaire sur l’environnement géopolitique.
4. Marchés financiers
La réaction des marchés d’actifs risqués a été très positive depuis l’annonce des résultats.
Les investisseurs ont tout particulièrement plébiscité les secteurs et segments favorisés par le programme de Donald Trump, à l’instar des banques, des industriels, du secteur énergétique et des entreprises de petites capitalisations américaines. A contrario, les thématiques liées à la transition énergétique et les valeurs dites durables au sens large ont quant à elles pâti de l’apparent manque d’ambition en la matière du nouveau président.
Pour le moment, la dynamique des actifs risqués semble occulter celle du marché obligataire. Les taux longs américains se sont de nouveau appréciés, reflétant à la fois la perspective d’une modification du couple croissance/ inflation, un rehaussement des anticipations de politique monétaire ainsi que la perspective d’un creusement supplémentaire du déficit.
À moyen terme, les actifs risqués demeurent vulnérables. Les niveaux de valorisation des actions américaines sont élevés, aussi bien pour ceux des indices traditionnels que pour ceux retraités de la prépondérance du secteur de la technologie. Cela pourrait donc constituer un frein au rallye actuel en limitant le pouvoir d’expansion des multiples, sauf à considérer une croissance importante des bénéfices des entreprises, tout en sachant que les attentes des analystes sont déjà très hautes.
D’autre part, l’incertitude entourant le comportement à venir de la banque centrale américaine, pourrait se traduire par des taux longs durablement plus élevés, ce qui finirait par avoir un impact sur le prix escompté des actions.
Enfin, comme évoqué plus haut, une répétition de la guerre commerciale pourrait dans un second temps avoir des effets délétères sur l’activité économique. Gageons que le « pragmatisme » de Donald Trump, tant cité par les commentateurs politiques, l’emporte…
Par Florent Wabont, Economiste chez Ecofi
Source : Ecofi, au 07 novembre 2024.
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