Compte-rendu de la conférence de presse donnée mardi 1er octobre 2019 par Bernard Aybran, Directeur Général Invesco Asset Management
1°) Contexte économique
Nous avons une croissance économique toujours positive dans le cycle le plus long. La croissance du PIB dans le monde prévue pour cette année est de 2,6 % et de 2,5 % pour 2020. Le peu d’inflation 2,6 % en 2019 et 2,6 % également prévue en 2020 est un soutien pour les marchés. Malgré des indicateurs manufacturiers récents montrant de signes de ralentissements significatifs, il est trop tôt pour parler de récession. Seule une escalade importante de la guerre économique sino-américaine pourrait la déclencher.
Sur le front des taux, depuis la seconde guerre mondiale, l’inversion de la courbe américaine a toujours été suivie d’une récession. En moyenne une année et demie après. Cependant ce constat ne fonctionne systématiquement qu’aux Etats-Unis et n’est pas un bon indicateur en dehors.
Du côté des matières premières, le choc de cet été sur le pétrole (mouvement de 7 écarts type !) a été effacé en une semaine. Nous sommes actuellement à un niveau de prix moyen, tant sur le pétrole que sur le cuivre. Nous voyons une augmentation régulière de la production américaine en % de la production de l’Opep.
Dans ce « meilleur des mondes » quelques particularités tout de même. Les bénéfices des entreprises progressent sur la plupart des grands marchés mondiaux. Il s’agit des bénéfices par action après impôt. Néanmoins la comptabilité nationale qui mesure les chiffres agrégés pour l’ensemble des entreprises nous permet de constater que ces bénéfices stagnent depuis 7 ans. Les marges bénéficiaires sont elles aussi sous pression depuis 2013.
Japonisation de l'Europe ?
Malgré des similitudes (démographie, croissance économique, taux d’intérêt) l’Europe n’a pas une économie fermée comme peut l’avoir le Japon. Du point
de vue de son économie, la démographie du Japon explique pour une bonne part le ralentissement de la croissance du PIB mais rapporté à la population le PIB japonais croit en ligne avec les grandes économies occidentales. Autre point commun, les taux et l’inflation. Les taux négatifs sont monnaie courante en Europe, n’ont jamais été aussi bas dans les grandes économies. Nous sommes en territoire inconnu… Le fait est que la dette ne coûte rien et nous n’arrivons pas à réellement diminuer la taille du bilan des banques centrales.
2°) Politique monétaire et marchés
Le monde est toujours plus endetté. Depuis 20 ans, la plupart des secteurs de l’économie ont accru leur endettement. Depuis 2008, ce sont les économies émergentes qui ont connu les plus fortes hausses. Alors que sur la même période elle a moins progressé dans les économies occidentales, en Europe, les Etats de l’Union ont limité juridiquement l’endettement.
Une des conséquences de ces taux bas est que pour certaines industries, ils représentent une subvention. Deux d’entres elles notamment sont concernées : le private equity et l’immobilier.
Les fameuses « licornes », ces sociétés non cotées, sont valorisées au fur et à mesure des levées de fonds à des valeurs en réalité parfois fantaisistes. We Work par exemple, théoriquement valorisée 49 040 Mds USD a tenté une introduction en Bourse. Le marché la valorisait moins de 20 000 Mds. Pourtant on en trouve dans de gros Family Office, chez des Institutionnels… Même chose pour l’immobilier qui profite de ces taux très bas. La notion de baisse des prix de l’immobilier reste exotique pour nombre d’investisseurs, même si la hausse des prix dans les grandes métropoles masque des réalités bien différentes sur les autres marchés. D’ou une baisse des rendements.
En revanche, pour d’autres il s’agit bien d’une répression financière. Les assureurs sont contraints de verser dans bien des cas, tenus par des engagements, des rendements minimaux disproportionnés. Eu égard aux rendements disponibles actuellement sue les marchés, les assurés en subiront les conséquences. De même pour les actions dont le coût financier est bien supérieur à celui de la dette en période de taux faibles. Seule la Chine connaît une croissance du nombre des sociétés cotées.
En résumé , la dette est très élevée mais la charge de la dette reste proche de son niveau des 20 dernières années. La grande question est de savoir quelles seraient les conséquences d’une hausse importante des taux d’intérêt ? Pour l’instant une remontée semble peu probable.
Une autre conséquence des taux très faibles est que la rémunération des actionnaires a quadruplé sur les dix dernières années alors que l’investissement est quasi inchangé .
3° ) Allocation
Le vieillissement de la population des économies occidentales fait croitre la demande d’obligations depuis le début du siècle. Nous voyons aussi que les investissement qui ont besoin de levier sont favorisés par les taux très faibles ( private Equity par exemple). En même temps les liquidités s’accumulent sur les comptes courants. Les capitaux vont sur le très liquide ou l’Illiquide .
Entre 2007 et 2018 les encours des fonds UCITS ont cru d’environ 50 % et malgré les flux toujours plus importants vers la gestion passive, les gestions activent représentent toujours plus de 80% des capitaux gérés dans les fonds européens. Les actions émergentes sont les victimes collatérales principalement en raison du fait du dollar fort. Elles sous-performent les marchés occidentaux depuis plus de dix ans. Et sans surprise, ce sont les actions américaines qui superforment depuis 2008, principalement portées par les rachats de leurs propres actions par les entreprises américaines : 3600 sur 10 ans à comparer avec une capitalisation de 32 000 milliards ( en $ ).
Le cash en portefeuille devra être utilisé en cas de correction sur les actions . Les actions restent l’une des meilleures sources de rendement disponibles sur les marchés financiers . Les politiques monétaires accommodantes semblent s’imposer pour la plupart des grandes banques centrales et apporter un soutien aux emprunts d’Etat.
Auteur : Mario Bossetti