La guerre commerciale qui est potentiellement en train de se dessiner entre la Chine et les Etats-Unis va connaître un nouveau stade demain au forum de Bo’ao sur l’île de Hainan. Une analyse strcuturée de John Plassard, consultant pour Mirabaud Securities chez Cambridge Securities.
Le Forum asiatique de Bo’ao (FAB) vient de s’ouvrir dimanche dans la province méridionale chinoise de Hainan. Cette réunion, considérée par certains comme le pendant asiatique du forum de Davos, a, cette année, une signification tout à fait spéciale, dans un climat de guerre commerciale entre Chine et Etats-Unis.
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Où la Chine peut-elle faire mal ?
On a vu que la Chine n’a, pour l’instant, pas réellement touché les cordes sensibles, malgré les menaces de taxer les importations de soja. Cependant, Pékin pourrait réellement faire mal à l’économie américaine. Ce qui aurait quelques fois des impacts collatéraux insoupçonnés. Passage en revue.
- L’agriculture
La mise en place de tarif sur le soja et d’autres denrées alimentaires pourrait avoir des impacts politiques insoupçonnés. En effet, la région la plus touchée aux Etats-Unis pourrait bien être le Midwest ou sont cultivés soja, maïs ou encore sorgho. Si le président Trump veut être réélu en 2020, le Midwest lui sera indispensable.
Dommages collatéraux : La réélection du président américain.
- L’automobile
Le secteur automobile craint lui aussi d’être touché. Le constructeur Tesla, par exemple, n’a aucune usine en Chine et ses produits pourraient être surtaxés dans ce pays. Déjà vacillant, la firme californienne serait durement frappée. Si la Chine devait mettre en place une taxe (on parle de 25%) sur les importations de voitures en provenance des Etats-Unis, les plus impactées ne devraient être autre que les voitures… allemandes ! En effet, la majeure partie des SUV de BMW et de Mercedes sont fabriqués aux Etats-Unis pour y être exportés vers la Chine.
Dommages collatéraux : Les constructeurs automobiles allemands (ce d’autant plus que le gouvernement américain a annoncé hier qu’il étudiait de quelle manière il pourrait imposer aux véhicules importés de respecter des normes environnementales plus strictes afin de protéger les constructeurs américains). Plus globalement rappelons que les constructeurs européens étant les plus exposés à la Chine, sont : Volkswagen (39%), Peugeot (25%), BMW (22%), Daimler (17%) et Valeo (13%).
- Le gaz de schiste
Les exportations nettes de pétroles à destination de la Chine étaient de 435'000 baril par jour (bpj) en 2017, soit plus du double qu’en 2016 lorsque les exportations étaient de 180'000 bpj. Ceci a correspondu à un chiffre de 8,24 milliards de dollars l’année passée (une progression de 200% par rapport à 2016). Par ailleurs, la Chine a importé plus de 750 millions de pieds cubes par jour de gaz naturel liquéfié (GNL) américain au dernier trimestre 2017, ce qu’aucun autre pays n’a fait. En décidant de taxer « l’énergie » américaine, la Chine pourrait déstabiliser toute la filière et remettre des projets en question.
Dommages collatéraux : Tout le secteur de l’énergie et une potentielle remise en question des accords de l’Opep.
- La technologie
Si la Chine n’a pas (encore ?) annoncé vouloir taxer le secteur de la technologie américaine, des fonctionnaires chinois ont d’ailleurs clairement indiqué récemment que les compagnies américaines subiraient les conséquences de l’imposition de sanctions commerciales contre des produits chinois par les États-Unis. Si on observe quelles sont les sociétés américaines qui ont le plus d’exposition (en termes de revenus) à la Chine au sein du S&P 500, on constate que c’est bien évidemment les valeurs technologiques qui sont en première ligne….
Dommages collatéraux : Plusieurs valeurs technologiques (surtout dans le domaine des semiconducteurs) sont exposées à la Chine. On peut notamment citer STMicroelectronics (plus de 22%) et Infineon Technologies (20%).
Synthèse
Si la Chine et les Etats-Unis ont tout à perdre d’une guerre commerciale, l’Europe n’est pas non plus censée sortir gagnante car une plus grande partie de la croissance économique européenne est liée aux exportations. En effet, 30 à 40% du PIB européen sont liés aux exportations, contre 11 à 12% aux Etats-Unis. La croissance économique américaine est plus orientée sur elle-même.