Le Président Mattarella a donc, dans un premier temps, refusé d'instituer un gouvernement dont la pierre angulaire (Ministère des Finances) s'avérait trop incompatible avec le système de la zone euro (voire avec son existence). Deux mois après le résultat des élections, l'Italie n'avait toujours pas de gouvernement (ce qui n'est pas franchement dérangeant pour la gestion des affaires courantes) et le coût de financement de tous les agents économiques (Etat, collectivités locales, banques, entreprises, consommateurs) s'est brutalement renchéri (+150 points de base sur les taux deux ans italiens). Ce dernier point est à relativiser puisque l'Italie n'est pas dans la même situation économique que dans les années 2011-2013. La reprise s'est confirmée et le bilan des banques italiennes est en partie nettoyé.
A l'heure où ces lignes sont écrites, les discussions menées par les partis vainqueurs du suffrage se sont mis d'accord sur un gouvernement équilibré avec un ministre de l'économie plus euro-compatible. Dans l'état actuel des sondages, de nouvelles élections n'auraient pas forcément donné des résultats plus faciles à transcrire politiquement et économiquement (Lega en position de force) sauf si cette dernière s'était allié avec un parti comme Forza Italia et avait édulcoré son programme anti-euro. De plus, le Président Mattarella n'aurait probablement pas eu la possibilité de refuser un nouveau premier ministre issu d'une majorité plus large autour des idées de la Lega (immigration, baisse des impôts...).
L'histoire nous rappelle qu'en France aussi sous la troisième République en 1879, le Président d'alors, le Général de Mac Mahon, avait utilisé la même technique (autorisée par la Constitution) pour finalement démissionner par la suite face à la force du suffrage populaire qui s'opposait et s'imposait à une décision institutionnelle et technocratique. La formation d'un nouveau gouvernement en Italie rassurera sûrement les investisseurs à court terme. Mais la coalition ne sera pas moins bancale pour autant.
De plus, l'Espagne pourrait aussi changer de gouvernement à la suite de la motion de défiance votée au Parlement. Si on rajoute les difficultés chroniques des émergents (Argentine, Turquie et Brésil), les menaces protectionnistes de l'administration Trump confortées par la suprématie du dollar et le coût global de la facture pétrolière pour l'économie mondiale, il est légitime dès lors de se poser la question d'un possible ralentissement généralisé de la croissance mondiale.
L'Europe, potentiellement engluée dans une nouvelle crise souveraine et financière (venant d'Italie voire d'Espagne), en serait une nouvelle fois...la grande perdante. Les décideurs politiques sont désormais prévenus des risques.
Igor de Maack, gérant et porte-parole de la gestionde DNCA.