Depuis la crise financière de 2008, les actions « value »(1) affichent un niveau de sous-performance historique par rapport aux actions « croissance »(2). L’incertitude géopolitique, une croissance économique molle et des rendements obligataires réels devenus négatifs expliquent en grande partie cette sous-performance. Pour autant, le long cycle « croissance » initié en 2007 n’a-t-il pas atteint un sommet ? Faut-il s’attendre à un retour en grâce de la « value » à moyen terme ?
> Un cycle « Croissance » d’une durée inédite a succédé au cycle « Value » du début des années 2000
Le cycle très favorable aux actions « value » qui a démarré en 2000 et s’est achevé en 2007 a été porté par la globalisation des échanges et un taux de croissance soutenue. Des secteurs sensibles aux cycles économiques comme les matières premières, l’industrie, la construction, les services financiers ont profité de ces catalyseurs positifs. Partant de valorisations extrêmement basses en début de période, ces secteurs ont opéré des retournements boursiers spectaculaires en quelques années. Depuis la crise financière de 2008, le climat d’incertitude qui pèse sur l’économie mondiale, les crises successives de la zone euro, des taux bas et une croissance économique relativement atone ont favorisé les sociétés dites de « croissance » qui sont les principales bénéficiaires de la chute des taux d’intérêts.
Le cycle « croissance » qui dure depuis 12 ans a été interrompu par trois rebonds des actions « value » portées par une amélioration des perspectives économiques :
- entre 2009 et 2010, un regain d’optimisme sur le climat économique a conduit à une forte contraction des primes de risque ;
- en 2012 et 2013, un deuxième rebond se produit à la faveur de la fin de la crise des dettes souveraines et d’une amélioration des anticipations sur la croissance européenne ;
- en 2016, un rallye s’opère au cours du deuxième semestre lié aux espoirs de reflation.
Ces données indiquent que les périodes caractérisées par une surestimation des risques de récession et de fortes incertitudes politiques constituent de bons points d’entrée sur les valeurs « value ».
> La décote du style « Value » atteint un niveau historique
La différence de valorisation entre les actions « croissance » et « value » est historiquement élevée. Elle est proche du pic atteint lors de la bulle Internet de 2000 et présente un potentiel de rattrapage important.
L’évolution relative des bénéfices par actions (BPA) affichent déjà une dynamique favorable au style « value », les BPA des titres « croissance » ayant été significativement révisés à la baisse pour rattraper ceux de la « value ».
Les valeurs de « croissance » se traitent aujourd’hui à des multiples historiquement élevés (P/E(5) 18,7x pour le MSCI Europe Growth NR au 24/10/2019) malgré un ralentissement de leur croissance bénéficiaire. Les investisseurs semblent donc payer cher des valeurs de « croissance » pour leur statut de valeur refuge plus que pour la croissance escomptée de leurs bénéfices futurs.
> Quels sont les éléments qui plaident en faveur d’un retournement de style ?
Même si les actions « value » sont aujourd’hui fortement sous-valorisées et affichent des P/E(5) relativement bas (10,9x pour le MSCI Europe Value NR au 24/10/2019) et des rendements élevés, il est difficile de se prononcer sur l’émergence à court terme d’un nouveau cycle « value ». En revanche un certain nombre d’indicateurs militent en faveur d’un rebond à moyen terme de cette thématique. Au niveau macro-économique, la conjoncture semble moins dégradée que ne le laisse supposer le pessimisme des investisseurs. La croissance de la zone euro se stabilise proche de son potentiel de long terme malgré une dynamique internationale il est vrai moins porteuse.
Sur le front de l’emploi, les données sont également rassurantes et ne corroborent pas un scénario de récession prochaine. Cette bonne santé du marché du travail pourrait amener à plus long terme un phénomène de retour de l’inflation pouvant avoir un impact négatif sur les valeurs de croissance et donc in fine participer au retour en grâce du style « value ».
L’indicateur de surprise économique pour la zone euro qui compare les statistiques macroéconomiques(6) aux anticipations(7) des investisseurs montre un pessimisme sans réel fondement. Les indicateurs économiques révèlent plutôt une conjoncture en zone euro meilleure que celle anticipée par les investisseurs. Un « retour à la moyenne » pourrait être favorable au style « value ».
Peu présentes dans les portefeuilles, les actions « value » apparaissent donc aujourd’hui sous-valorisées. Elles pâtissent également du climat d’incertitudes géopolitiques qui pèse sur l’économie – Brexit « dur » ou pas, guerre commerciale sino-américaine, tensions entre Téhéran et Washington… – et des anticipations sur une possible récession mondiale. Même si ces valeurs peuvent encore souffrir à court terme, les risques sont largement intégrés dans les cours. L’investisseur qui dispose de temps devant lui a l’opportunité de réaliser de « bonnes affaires » compte tenu de la décote actuelle.
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