Une curieuse asymétrie dans les performances historiques suggère que les actions mondiales n’ont peut-être pas fini de progresser, estime le stratégiste Peter van der Welle.
Certains investisseurs craignent que la phase haussière actuelle ne puisse durer, car de nouveaux problèmes géopolitiques pourraient finir par mettre un terme aux performances record des marchés actions, à commencer par la possibilité d’une guerre avec l’Iran et la menace d’une récession qui tarde à se concrétiser.
Pourtant, notre analyse montre qu’une année de performances exceptionnelles (le MSCI World a progressé de 30 % en 2019) se répète souvent l’année suivante sous l’effet de plusieurs facteurs favorables. Cela signifie que 2020 pourrait se révéler tout aussi excellente pour les actions, malgré certains obstacles.
« L’incertitude géopolitique est montée d’un cran avec l’assassinat du général iranien Qassem Soleimani », explique Peter van der Welle, stratégiste au sein de l’équipe multi-actifs Global Macro de Robeco. Dans le même temps, la perspective d’un accord commercial de phase un entre les États-Unis et la Chine et d’une relance subséquente du secteur manufacturier mondial semble pleinement intégrée.
Pas encore au sommet
Cependant, notre scénario de base reste que le marché actions n’est pas encore arrivé au terme de cette phase haussière. Comme nous l’avons déjà évoqué ces derniers mois, nous prévoyons une remontée des résultats d’entreprises vers le T2 2020. Dans le même temps, les banques centrales accommodantes apportent leur soutien pour compenser l’amélioration progressive des fondamentaux.
En général, les marchés haussiers prennent fin parce que l’euphorie finit par retomber, en raison d’un durcissement excessif des banques centrales. Même si nous observons des poches d’exubérance, les banques centrales ne semblent pas disposées à retirer « le bol de punch ». L’inflation pourrait devenir un risque de marché au second semestre 2020, mais elle ne devrait pas encore inverser le mouvement de hausse des actifs risqués.
Une raison de rester optimiste est « l’asymétrie », un phénomène que l’on observe sur les marchés actions depuis 1900. Depuis cette date, les actions mondiales ont en moyenne enregistré des performances annuelles de 8 %. Mais leur distribution historique est très asymétrique : des performances annuelles (années calendaires) supérieures à 20 % ont été enregistrées dans 20 % des cas depuis le début XXe siècle.
L’effet « groupe »
« Il est intéressant de noter que les années exceptionnelles ont tendance à se suivre », commente Peter van der Welle. Depuis 1900, les 24 années ayant enregistré des performances supérieures à 20 % ont été suivies d’une seconde année de bons résultats. Ce fut par exemple le cas en 1921 (performance de 27,5 % suivie de 27,7 % en 1922), et en 1985 (36,1 %, puis 38,2 % en 1986).
De plus, ces successions d’années exceptionnelles présentent un point commun : elles ont été précédées d’une année généralement négative pour le marché actions, la seule exception ayant été 1927. Ainsi, 1920 avait été marquée par une perte de 26,8 % et 1984 par un recul de 0,1 %.
L’examen de toutes ces périodes, caractérisées par une année de performances inférieures à la moyenne historique (pas seulement des performances négatives) suivie d’un cru exceptionnel de performances supérieures à +20 %, indique que la performance de la seconde année est de 14,5 % en moyenne.
En conséquence, étant donné que la hausse supérieure à 20 % constatée en 2019 a été précédée d’une année 2018 inférieure à la moyenne historique, la hausse de 30,0 % du MSCI World n’est pas exceptionnelle mais proche de la moyenne enregistrée depuis 1900. Et on ne peut exclure la possibilité que 2020 soit une nouvelle année de performances supérieures à la moyenne historique.
L’histoire va-t-elle se répéter ?
L’histoire va-t-elle donc se répéter en 2020 et produire une nouvelle année de performance à deux chiffres, comme le suggèrent les données historiques dans cette situation ? « La prudence est de mise ici car le nombre d’observations relativement limité ne permet pas de tirer de conclusions fiables », prévient Peter van der Welle.
Néanmoins, l’existence d’une « asymétrie » conforte notre scénario de base selon lequel de nouveaux sommets seront probablement atteints par les actions avant qu’une récession mondiale ne se déclenche. Par nature, les investisseurs ont tendance à privilégier les actifs susceptibles de s’apprécier et présentant une récompense potentielle asymétrique. Résultat, ils sont prêts à payer une prime pour ces actifs (asymétrie positive).
Le potentiel de hausse s’est matérialisé après la grande vague de repli que nous avons connue au T4 2018. En 2019, le fait que la hausse des multiples ait généré la plus grande partie de la performance totale des actions montre clairement que les investisseurs étaient prêts à payer pour ce potentiel d’appréciation. À ce stade, on pourrait penser que le marché s’est emballé, mais comme 1921, 2019 a surtout été une année durant laquelle les pertes de l’année précédente ont été largement compensées.
N’oublions pas les fondamentaux
Les investisseurs devraient également tenir compte d’indicateurs plus classiques, tels que la valorisation, les fondamentaux et les indicateurs d’opinion, estime Peter van der Welle. D’une part, du point de vue de la valorisation relative, la prime de risque des actions mondiales reste supérieure aux moyennes historiques, tout particulièrement pour les actions européennes et japonaises.
D’autre part, le moral des investisseurs reste favorable à la prise de risques. Aux États-Unis, les investisseurs individuels et les hedge funds sont devenus moins pessimistes, tandis que l’excellent millésime 2019 a probablement accentué la crainte de rater le coche chez ces deux catégories d’investisseurs et chez d’autres. Une nouvelle amélioration du moral des investisseurs pourrait pousser les actions encore plus haut en 2020.
Cela ne garantit pas pour autant une nouvelle année de bonnes performances. Le risque pour notre scénario de base haussier serait que les marchés actions américains soient survalorisés et que le risque géopolitique ne soit peut-être plus aussi limité que nous ne l’avions anticipé fin 2019.
La récente baisse inattendue de l’indice ISM manufacturier (à 47,2, ce qui est le signe d’une contraction), indique déjà qu’une reflation en 2020 ne sera probablement pas fluide. Par conséquent, les attentes élevées en matière d’amélioration des fondamentaux pourraient être réévaluées à court terme.
Perspectives de janvier 2020 par Peter van der Welle, stratégiste.
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