Après trois mois de vif repli sur les marchés mondiaux, le risque de récession dominait les premières semaines de 2019. Mais pour nous, cette menace n’était pas une évidence. Les marchés tablaient sur un ralentissement que nous ne percevions pas dans les chiffres ; c’était donc le bon moment pour investir dans les actions américaines : la volatilité était à nos yeux trop élevée et les actifs trop bon marché.
La trajectoire de cours nous a donné raison, même si son ampleur nous a pris de court. En mars, l’indice S&P 500 avait gagné environ 21% par rapport à son plus bas, tandis que deux motifs de crainte pesant sur le sentiment commençaient à se dissiper. Tout d’abord, en décembre les Etats-Unis et la Chine ont mis leurs hostilités commerciales en veilleuse, puis en janvier, le président de la Fed Jerome Powell annonçait un revirement dans sa politique monétaire : après avoir relevé les taux en décembre, il se déclarait le mois suivant prêt à les abaisser.
Le rebond s’essouffle
Mais le vif rebond des actions américaines observé au premier trimestre s'est peu à peu étiolé et la menace récessionniste a fini par reprendre le dessus. En juillet, peu après la première baisse des taux de la Fed, la crainte d’un ralentissement s’est intensifiée et certains segments de la courbe des taux américaine se sont inversés, ce qui est traditionnellement considéré comme un signe de récession. Mais encore une fois, nous pensons que cette crainte était exagérée. Elle n’était de fait pas corroborée par les autres indicateurs, notamment l’emploi, le marché du logement et les spreads de crédit. Nous estimions que cette inversion reflétait surtout le resserrement monétaire de la Fed en 2018 sur la partie courte de la courbe et que le pouvoir prédictif de la partie longue était moins évident que ce que beaucoup ne pensaient.
Les autres faits marquants de l’année, que nous n’avions pas anticipés – et qui ont nourri le thème de la récession au second semestre – ont été l’apparition d’une récession industrielle concomitante à un retournement du cycle de stocks, aggravée par la guerre commerciale et la vigueur du dollar en découlant, la grève chez GM et la crise affectant les Boeing 737 Max.
Ralentissement du cycle manufacturier
La contraction de la production manufacturière et industrielle survenue en 2019 est la troisième à laquelle nous assistons au cours du cycle économique actuel, après les replis de 2011-2012 et de 2016. Le dernier recul était clairement dû à la vigueur du dollar, à la guerre commerciale sino-américaine et au double impact de la grève chez GM et de l’immobilisation des Boeing 737 Max. Bien que le conflit commercial ne soit toujours pas résolu, nous pensons que le creux du cycle des stocks est proche.
Les entreprises du S&P 500 ont revu à la baisse leurs prévisions de bénéfices ; certaines d’entre elles ont même manqué des objectifs pourtant rabotés. Le secteur de l’énergie, par exemple, accuse pour l'heure une baisse de 27% de ses bénéfices 2019. Naturellement, la crainte que le marché américain puisse entrer dans une phase de contraction des bénéfices – ce qui, historiquement, a toujours coïncidé avec une récession de l’économie – ne pouvait que s’amplifier. Ce tableau se voyait toutefois déformé par des questions affectant spécifiquement certaines sociétés pesant lourdement dans les indices, notamment Facebook et Google, qui ont toutes deux connu une augmentation de coûts exceptionnelle plombant temporairement leurs bénéfices.
Une image plus rose qu’il n’y paraît
A bien y regarder, la croissance médiane des bénéfices était nettement meilleure que ne le suggère l’indice et la croissance des revenus se maintenait à un bon niveau, les entreprises tournées vers le marché intérieur affichant des performances très satisfaisantes. Ce contexte de pessimisme excessif n'a pas entamé notre optimisme et nous avons conservé nos positions.
En ce qui concerne 2020, nous voyons la croissance bénéficiaire renouer avec un rythme tendanciel à long terme de 5-7%, voire plus si un accord commercial de fond est conclu avec la Chine. La croissance du PIB devrait selon nous ralentir pour passer de quelque 2,2% cette année à environ 1,8%, en ligne avec sa tendance historique. Bien que le S&P 500 ait gagné environ 23% au cours des 12 derniers mois, le PER prévisionnel se situe à un écart-type de sa moyenne historique à long terme, en demeurant toutefois dans la limite supérieure.
Chine : détente probable sur fond de tensions commerciales persistantes
Quoi qu’il en soit, les élections présidentielles de novembre restent l’une des principales sources d’incertitude. Dès lors que le président sortant tient à ce que sa campagne se déroule dans un contexte économique positif, un apaisement de la guerre commerciale avec la Chine est très probable ; toutefois, nous pensons qu’il ne faut pas trop compter sur un accord de fond à long terme. Les tensions commerciales devraient persister, vu les considérations géopolitiques qui, à Washington, en font une question bipartite.
La course à l’investiture démocrate pourrait réserver quelques surprises. Si la candidate radicale Elizabeth Warren était choisie et élue, elle pourrait être confrontée à un Congrès divisé et ne serait pas en mesure de mettre en œuvre certaines politiques très controversées comme le régime Medicare pour tous. En revanche, une réglementation plus stricte de la finance et des grandes entreprises technologiques resterait possible.
Sur le plan sectoriel, nous prévoyons un rebond du secteur manufacturier qui fera oublier le creux du cycle des stocks de cette année, le troisième depuis la crise financière. Par ailleurs, comme il devient évident que le régime Medicare pour tous n’est pas à l’ordre du jour, il existe un potentiel de revalorisation dans les soins de santé. Nous identifions en outre un potentiel de gains important du côté des grandes valeurs technologiques au vu des investissements considérables réalisés par Facebook et Google.
Commentaire de Nadia Grant, responsable marché actions américaines de Columbia Threadneedle Investments.
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