Depuis le discours introductif de Xi Jinping au 18e Congrès du Parti Communiste chinois en octobre 2017, l’accent est davantage mis sur un développement « de qualité » de l’économie plutôt que sur son rythme.
Outre la volonté d’accélérer la réorientation du modèle de croissance vers le marché domestique, trois « batailles décisives » ont été identifiées pour assurer une croissance soutenable : la stabilité financière, la lutte contre la dégradation environnementale et la réduction des inégalités. Les premiers signes positifs ont été relevés, avec le recul du crédit accordé par le « shadow banking » (ou système bancaire non officiel) et les fermetures d’usines polluantes et inefficientes. Ils ont été accompagnés par la poursuite de l’ouverture graduelle du secteur financier aux acteurs étrangers.
Des obstacles structurels à cette transition
La transition de l’économie reste cependant longue à mettre en place. Elle s’opère sur fond de déséquilibres structurels : un secteur de services sous-développé, un taux d’investissement élevé et une part de consommation privée faible. Cette dernière est estimée à 38 % du PIB en 2019, bien en dessous des niveaux observés dans les pays avancés. Les obstacles structurels persistants incitent encore les ménages chinois à privilégier l’épargne de précaution compte tenu des prix élevés des logements immobiliers ou de l’absence de système de sécurité sociale et de retraite performant. Des solutions ont été avancées pour renforcer le poids de la consommation mais la mise en œuvre des réformes s’avère lente et insuffisante à ce stade.
La transition bute sur d’autres facteurs d’instabilité dont celui de l’endettement. De ce fait, le système financier est fragilisé par la dégradation des bilans bancaires. Bien que la situation globale des banques chinoises semble maîtrisée au regard de la solvabilité, des provisions pour créances douteuses et de l’omniprésence de l’Etat, la vigilance demeure quant à la capacité d’absorber les pertes des banques régionales de moyenne et petite taille. A l’avenir, les banques étrangères pourraient être également exposées. Depuis août 2018, celles-ci peuvent dorénavant détenir 100 % du capital des groupes financiers chinois alors que leur participation était jusque-là plafonnée à 25 %.
Face aux réalités des défis « ESG »
La dimension « ESG » constitue aussi un risque à la transition. La question de Hong Kong et les déficiences en matière de gouvernance, notamment en ce qui concerne l’Etat de droit, la liberté d’expression ou encore l’efficacité de la lutte contre la corruption, pourraient fragiliser le pouvoir de Xi Jinping. Parallèlement, le défi « social » sera de taille, entre une mutation démographique défavorable et des déficits d’investissement profonds dans la retraite, la santé, l’éducation et la digitalisation. L’autre grand défi à moyen et long terme sera la transition énergétique. Premier pays émetteur de gaz à effet de serre, la Chine peine à réduire ses émissions de CO². Pékin affiche toutefois un volontarisme « pragmatique » sur ce sujet à travers la mise en place de mesures administratives telles que la suspension de l’activité des usines polluantes ou le passage au chauffage à gaz, et le développement rapide des énergies renouvelables avec l'émission massive de Green Bonds comme moyen de financement. D’ailleurs, la Chine est le deuxième émetteur de Green Bonds dans le monde en 2018 avec 31 milliards de dollars d’encours (derrière les Etats-Unis avec 34 milliards).
A l’évidence, la poursuite des réformes structurelles est nécessaire. Elle sera la variable clé du succès de la transition. Son implication première sera le ralentissement tendanciel de l’économie. Le mouvement devra être cependant graduel et sans rupture. A court terme, le policy-mix en soutien à la demande restera proactif. Il sera toutefois plus dosé et ciblé afin d’éviter toute aggravation des déséquilibres dans un contexte où le pays est devenu plus vulnérable aux chocs externes. A plus long terme, le potentiel de développement de la Chine demeure considérable, à la fois en termes de rattrapage de revenu, d’infrastructures et d’innovation. Ce sont probablement ces éléments qui devraient permettre aux autorités in fine de mener à bien la transition de l’économie.
Rédigé par Christophe Morel, chef économiste, et Thuy Van Pham, économiste Marchés Emergents chez Groupama AM.
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