Difficile de publier un édito cette semaine sans parler de la déroute des bourses mondiales, qui contribuera encore à refroidir les investisseurs sur l'intérêt des marchés financiers alors même que certains venaient à peine d'y reprendre goût après une année 2019 qui avait permis d'effacer quelques mauvais souvenirs de 2018...
Difficile aussi de ne pas sombrer dans le billet d'humeur après une semaine aussi éprouvante ou dans le papier sans intérêt ressassant les éternels poncifs sur la "correction technique", "le retour d'une prime de risque attrayante" ou "la vision long terme des gérants"...
Difficile enfin de tirer des conclusions utiles alors que la crise peut tout aussi bien à peine commencer que se résoudre en quelques jours par l'intervention d'une ou plusieurs banques centrales, probablement les seules à même de rassurer les marchés alors que la découverte d'un vaccin ne permettrait peut-être même plus d'enrayer le pessimisme des opérateurs.
Alors que dire pour être utile en ce premier lundi de mars?
Premièrement, qu'encore une fois, il était difficile de trouver un actif de couverture tant la corrélation est revenue en force pendant ces quelques jours. Certes, les obligations d'États les plus solides ont grimpé mais leur rendement déjà au tapis rend leur potentiel d'amortissement limité et le Bund allemand ou l'OAT française sont aujourd'hui des élastiques tirés au maximum avec des taux respectifs à -0.61% et -0.30%. Nous estimons aujourd'hui, qu'en l’absence de nouvelle action de la BCE, le taux minimum est autour de -0.8% pour l'Allemagne à 10 ans et -0.5% pour la France à 10 ans. Nous noterons également que ces périodes de crise rétablissent immédiatement une dichotomie entre les obligations d'États européens puisque l'Espagne, le Portugal et a fortiori l'Italie ont vu leurs rendements rester stables voire même progresser, les investisseurs ne voyant pas les ex-périphériques encore convalescents économiquement (en particulier l'Italie qui pourrait tomber en récession à la suite de cet épisode sanitaire) comme des actifs suffisamment protecteurs face à un stress d'une telle ampleur.
Deuxièmement, que le mouvement d'écartement des primes de risques est à peu près aussi violent qu'en 2016 lors de la crise des matières premières mais que les rendements sont encore bas et que le rebond sur les créneaux de la dette corporate ou spéculative, les plus touchés par le stress de la semaine passée, ne pourrait venir pour le moment que d'une intervention d'une ou plusieurs banques centrales. En jetant un œil à l'indice crossover ci-dessous, qui représente la prime de risque d'un panier de titres de qualité intermédiaire les plus représentatifs, on observe que son niveau de 300 est encore très comparé à début 2016 (pic à +500), fin 2018 (pic à 375) et a fortiori aux années 2011-12 pendant lesquelles il naviguait autour de 800. On peut donc estimer qu'il puisse être encore un peu tôt pour se repositionner significativement après cette correction, hormis sur certaines obligations de maturité 1 à 2 ans qui auraient subi des corrections significatives tout en ayant une forte force de convergence vers leur prix de remboursement.
Troisièmement, qu'encore une fois les marchés financiers, conduits par les fameux market-markers pour qui la volatilité est le seule porte de salut, sont encore à l’œuvre pour scier la branche sur laquelle ils sont assis, rebutant les investisseurs finaux de placer leurs économies sur des actifs certes réels mais soumis à des forces de pression telles que l'analyse fondamentale et la réalité des chiffres économiques deviennent totalement accessoires face à l'aléa des flux.
Comment se plaindre, après de tels épisodes aussi réguliers dans le temps, que les particuliers préfèrent sortir de la bourse ou que les investisseurs institutionnels choisissent les nouvelles classes d'actifs "privées", dont la valorisation est moins fréquente mais, de ce fait, plus en lien avec l'économie réelle, l'engagement plus fort avec des périodes de blocage de 3 à 10 ans et la protection souvent plus élevée...
En conclusion, nous considérons que les mouvements actuels sont un éternel recommencement. Certains les appelleront les respirations boursières et considéreront qu'il était nécessaire d'observer une correction, si forte soit-elle, pour retrouver des opportunités dans le marché; d'autres considéreront qu'elles sont le fruit des politiques de banques centrales et des défauts d'une régulation mal orientée et laissant libre cours au pire excès des banques d'investissement et autres fonds alternatifs; d'autres enfin se lasseront définitivement des marchés financiers dont les flux deviennent sinon déconnectés de la réalité économique, du moins assez peu représentatifs... Investir dans les marchés contemporains c'est donc, sinon contribuer à une volatilité inutile, au moins trouver la rémunération suffisante pour y faire face et éviter à tout prix de suivre les flux pour rester, tant que possible, à contre-courant des phases d'optimisme et de pessimisme exacerbés du marché.
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