« S’il n’y a pas de liquidité, il n’y a pas de marché. » Cette phrase a tour à tour été reprise par les intervenants de la 12ème édition des entretiens de l’AMF hier lundi. Elle fait notamment écho au contexte économique mondial si particulier dans lequel nous évoluons actuellement. C’est pourquoi, l’AMF jugea bon d’analyser à travers une table ronde « les nouveaux risques de la finance mondialisée ».
Un sujet qui s’impose selon Gérard Rameix, Président de l’AMF, car même s’il existe actuellement des raisons d’être optimiste (la place de Paris se porte plutôt bien, l’introduction réussie d’Amundi en bourse, rebond des encours de la gestion d’actifs, etc), la « crise des subprimes ne semble toujours pas être derrière nous ».
Et pour cause, nous faisons face aujourd’hui à de nombreux risques qui sont nouveaux pour certains comme l’a justement rappelé Benoît de Juvigny, secrétaire général de l’AMF : « Une croissance faible, voire très faible en Europe, de fortes turbulences dans les pays émergents, des risques géopolitiques croissants, les changements climatiques, problématique de liquidité des marchés… »
Face à ces nombreux risques de natures diverses, un panel, composé de 5 professionnels, a apporté des lumières complémentaires autour de 5 perspectives.
- Une perspective macroéconomique
Partageant l’inquiétude de Catherine L. Mann, chef-économiste de l’OCDE, Alain Papiasse, Directeur général adjoint chez BNP Paribas pressent un risque important de la part des pays émergents détenant l’essentiel de leur endettement en dollars. « C’est très vrai pour l’Amérique latine, pas vraiment pour l’Asie ; ils vont être soumis à une très forte tension, le risque d’accident est élevé d’autant plus qu’il existe également un risque obligataire dans ces pays-là du fait de la faible liquidité de ces actifs ».
- Une perspective centrée sur la politique monétaire et ses conséquences
À la question des possibles conséquences dommageables de la politique monétaire accommodante des banques centrales, Benoît Cœuré, membre du directoire de la BCE se veut lucide. « La BCE n’est pas aveugle et sourde aux conséquences directes et collatérales des décisions de politiques et monétaires ; elles ont pour but de remettre l’économie sur une trajectoire stable après une crise profonde et traumatisante pour l’économie et le tissus sociale ».
« Personne et pas même le secteur financier n’aurait intérêt à ce que l’économie se stabilise avec une inflation et une croissance de 1% ».
- La problématique de liquidité des marchés financiers
Alain Papiasse ne cache son inquiétude vis-à-vis de cette problématique qui est selon lui dû à la période « post-crise » dans laquelle nous nous trouvons actuellement. « Les investisseurs gardent leur papier plus longtemps et dans le même temps il y a chez eux un vrai besoin d’immédiateté pour la vente de gros blocs ».
- La problématique organisationnelle et d’infrastructure des marchés
Sharon Y. Bowen, commissaire de la CFTC souligne qu’il faut faire en sorte que le marché soit effectivement transparent, que les investisseurs le comprennent et que les consommateurs ne soient pas exposés à des risques excessifs.
Benoît Cœuré voit en l’outil du « stress test » un instrument idéal pour comprendre comment les CCP (Central Counterparty Clearing House ou chambre de compensation centralisée de la gestion des ordres de bourse) « managent » le risque.
- La problématique du shadow banking
À la question, de l’intermédiation bancaire à travers le shadow banking, Benoît Cœuré constate qu’il n’y a pas de « sur-valoristaion des actifs globaux de la zone euro mais que l’environnement de taux bas force les banques à changer leur business model vers des actifs plus risqués. De plus, la croissance continue des fonds d’investissement et du shadow banking crée des dynamiques de marché déstabilisantes en cas d’ajustement brutale des primes de risque, ou repricing ».
Le mot de la fin revient à Jean-Claude Trichet, ancien Président de la BCE de 2003 à 2011 qui tenait à souligner que « si les banques centrales n’avaient pas fait tout ça, nous serions dans une situation épouvantable ; s‘il est si difficile de sortir de ce genre de politique, c’est parce que nous avons évité une situation gravissime ».
SL/FL