Les 100 premiers jours du mandat constituent un critère de référence pour mesurer le succès initial des présidents américains.
Joe Biden a prêté serment en tant que président le 20 janvier 2021 et a entamé ses fonctions en pleine crise extraordinaire. Plus de 400 000 Américains ont perdu la vie en raison de la pandémie mondiale, et près de 10 millions d'emplois ont été supprimés. Biden a fait son entrée à la Maison-Blanche quelques semaines seulement après un acte de "terrorisme intérieur" au Capitole, une attaque qui a illustré la polarisation de la population américaine après quatre années sous la présidence Trump. Les premiers jours de la présidence de Biden ont également été marqués par la crise climatique et la résurgence des tensions géopolitiques.
Biden a tenu à agir rapidement au cours de ses 100 premiers jours. Ses priorités ont été, dès le premier jour, de lutter contre la pandémie de Covid-19 et de fournir une aide économique aux familles américaines. Renverser certaines des politiques les plus controversées de Trump figurait également au sommet de son agenda. Quelques heures après avoir prêté serment, il a signé un nombre historique de 17 décrets visant à abroger les politiques de Trump en matière de réglementation, d'immigration, de fiscalité et de climat.
Avec le soutien du Congrès, Biden a particulièrement bien réussi à respecter les priorités politiques de ses 100 premiers jours de mandat. S'inspirant du vieil adage commercial selon lequel il vaut mieux " promettre moins et réaliser davantage ", Biden a stratégiquement maintenu des attentes modérées afin de dépasser ses propres objectifs.
Et… action
Sur le front de la pandémie, Biden a fixé à son administration l'objectif de vacciner 100 millions d'Américains dans les 100 premiers jours de son mandat.
Cette revitalisation de l'économie américaine a reçu un coup de pouce majeur grâce au plan d'aide à la lutte contre le coronavirus, d'un montant de 1 900 milliards USD, qui constitue un jalon important dans la concrétisation des priorités de Biden pour ses 100 premiers jours. Le « Plan de Sauvetage Américain » qu'il a signé le 11 mars est une réalisation législative majeure visant à atténuer la difficulté de la pandémie pour les familles et les petites entreprises américaines jusqu'à la réouverture complète de l'économie américaine.
Le 31 mars, il a présenté un plan d'investissement dans les infrastructures, unique en son genre, de plus de 2 000 milliards USD. L'"American Jobs Plan" vise à reconstruire des routes, à réparer des ponts, à accélérer la lutte contre le changement climatique et à investir dans la recherche. Il comprend également une longue liste de projets destinés à créer des millions d'emplois et à renforcer la compétitivité américaine.
Sur le front intérieur, Biden s'est également montré particulièrement actif par rapport à des questions cruciales perçues comme des échecs de l'administration précédente, telles que le changement climatique, l'égalité raciale, l'immigration et le contrôle des armes à feu.
Au niveau international, l'objectif de Biden est de recentrer la politique étrangère américaine sur la diplomatie et le multilatéralisme, en collaborant avec les alliés et en tenant tête aux adversaires de l'Amérique. Bien qu'il se soit d'abord concentré sur les questions intérieures, il a profité des 100 premiers jours de son mandat pour prendre quelques mesures symboliques sur la scène internationale, notamment en inversant les politiques isolationnistes de Trump pour réintégrer l'Organisation mondiale de la santé et l'accord de Paris sur le climat, et en indiquant qu'il était prêt à joindre à nouveau l'accord sur le nucléaire iranien.
Une réponse enthousiaste des marchés
L'élection de Biden a entraîné un rallye boursier constituant la meilleure performance boursière post-électorale des temps modernes. Entre le 3 novembre 2020 (jour de l'élection) et le 20 janvier 2021 (jour de l'investiture), le Standard & Poor's 500 a gagné 14,3 %. Au cours des trois premiers mois de la présidence de Biden, le marché a poursuivi cette tendance à la hausse, le Standard & Poor's 500 ayant gagné environ 25 % par rapport au jour de l'élection. En comparaison, au cours de la période comprise entre l'élection de Donald Trump en 2016 et son investiture en janvier 2017, les actions ont gagné environ 6 %, et n'ont connu qu'une hausse de 5 % au cours des 100 premiers jours de la présidence de Trump.
Plusieurs facteurs ont contribué à la reprise des marchés boursiers. Malgré le refus initial de Donald Trump de concéder formellement, les marchés ont éprouvé un sentiment de soulagement lorsque le résultat de l'élection a finalement indiqué une nette victoire de Biden. Les marchés ont probablement aussi apprécié le passage à une présidence plus prévisible et moins controversée après quatre années chaotiques sous Trump. Mais surtout, l'élection de Biden a été le signe d'une réponse plus rapide et plus efficace à la pandémie de Covid-19, ainsi que d'un soutien fiscal important pour l'économie américaine. Leurs victoires ultérieures au second tour de l'élection sénatoriale en Géorgie ont donné aux démocrates la majorité dans les deux chambres du Congrès et ont alimenté les attentes du marché quant à une approbation et une mise en œuvre rapides du "plan de sauvetage américain" de 1 900 milliards USD.
Les performances de Joe Biden quant aux priorités de son administration, à savoir la lutte contre la pandémie de Covid-19 et le relancement de l'économie américaine, ont non seulement alimenté le récent rallye boursier mais ont également entraîné une hausse rapide des rendements du Trésor américain à 10 ans. Dans le contexte d'une amélioration des perspectives économiques, le bon du Trésor américain à 10 ans est passé d'environ 0,75 % le jour de l'élection à un maximum de 1,75 % à la fin du mois de mars de cette année. Depuis, les rendements du Trésor ont légèrement baissé pour atteindre 1,55-1,6%. Les attentes d'une reprise américaine solide et la hausse des rendements souverains américains ont également entraîné un creusement de l'écart avec les rendements des obligations souveraines européennes et un renforcement du dollar américain, qui (contrairement aux prévisions) s'est apprécié par rapport à la plupart des devises au cours des trois premiers mois de 2021.
Quel sera l'impact des politiques de Biden sur les marchés à l'avenir?
La grande question est de savoir comment les plans politiques de Joe Biden et leur mise en œuvre affecteront les marchés dans les semaines et les mois à venir. De nombreux facteurs sont à prendre en compte avant de pouvoir effectuer une évaluation complète des marchés pour les 100 prochains jours, notamment les politiques des autres pays. Voici déjà quelques effets positifs et négatifs, ainsi que certains risques.
L'augmentation des dépenses budgétaires (plan de relance) est un élément bénéfique pour les marchés actions et, dans une certaine mesure, ses effets ont déjà été intégrés dans les cours. D’autre part, les risques potentiels pour les marchés boursiers découleront des discussions à venir sur le financement du plan de relance, en particulier la hausse d'impôts proposée. Il est encore difficile de déterminer si le Congrès adoptera cette mesure.
En ce qui concerne le marché obligataire, et plus particulièrement le marché du Trésor américain, une augmentation des dépenses budgétaires entraîne généralement des effets négatifs, car cela implique une augmentation des émissions (une augmentation de l'offre de titres du Trésor américain) et potentiellement une augmentation de l'inflation à moyen terme. Il se peut également que ce phénomène ait déjà été anticipé par les marchés avec la forte hausse des rendements du Trésor américain à laquelle nous avons assisté au premier trimestre.
Le risque majeur de cet ambitieux stimulus fiscal, régulièrement évoqué, est un pic permanent de l'inflation américaine. Le Trésor américain et la Fed sont en désaccord et affirment qu'ils (la Fed) ont les moyens de contrôler une hausse de l'inflation. Le récent mouvement à la baisse des rendements du Trésor américain semble indiquer que le marché commence peut-être à croire la Fed et à moins craindre de fortes pressions inflationnistes.
Dr. Andrea Siviero, INVESTMENT STRATEGIST
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