Et si la dette américaine devenait intenable ? Analyse de Catherine Reichlin, responsable du service Recherche financière chez Mirabaud & Cie.
Financer des baisses d’impôts par une hausse de l’endettement a de nombreux effets dont certains restent difficiles à estimer. Quel sera l’impact d’une hausse de l’offre de dette dans un cycle de resserrement monétaire ?
Dans un tel cycle, la banque centrale relève ses taux pour guider l’économie à atterrir en douceur. Une opération délicate, rarement couronnée de succès, tant l’équilibre entre éviter que l’économie ne surchauffe tout en ne l’étouffant pas est ténu.
Dans ces phases, le Trésor émet – normalement - moins de dette car ses besoins de financement sont moindres. L’actuelle politique américaine amène une nouvelle configuration : les rendements montent, la Réserve Fédérale pourrait relever jusqu’à quatre fois ses taux cette année et…. les montants émis par le Trésor américain augmentent.
A cela s’ajoute la faiblesse croissante de la demande pour les nouvelles émissions du Trésor. En d’autres mots, les ratios de couverture des nouveaux emprunts obligataires de la nation la plus endettée au monde diminuent au moment où elle commence à augmenter la taille de ses emprunts. Pour les obligations d’échéance 10 ans, le ratio de couverture est au plus bas depuis octobre 2009 !
Les besoins de financement des Etats-Unis vont continuer à augmenter dans les mois qui viennent et le déficit fiscal devrait atteindre un trillion de dollars. La dette accumulée jusqu’à présent est déjà de 21 trillions de dollars, plus que n’importe quel pays. Cette semaine, le Trésor prévoit d’émettre 62 milliards d’obligations réparties entre des échéances à 3, 10 et 30 ans. Soit environ 6 milliards de plus que ce qui a été émis en janvier, un mois où le ratio de couverture avait déjà été faible. A 2.46, le ratio pour les emprunts à 10 ans reste honorable mais il est bien inférieur aux 3 observés en moyenne jusqu’en 2013.
Bien que nous soyons encore loin des 1.22 observés en octobre 2008, la tendance n’est pas encourageante. Les taux de couverture pour les échéances 3 et 30 ans sont eux aussi déprimés et proches de leurs bas post crise. Le placement de cette semaine va être suivi de près alors que le marché tente encore d’estimer les conséquences de la guerre tarifaire menée par l’administration Trump. Une nouvelle étape du voyage en terres inconnues a débuté.