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Les choix d’Estelle Ménard, gérante du fonds CPR Actions Euro Restructuration.

Le thème des restructurations semble porteur, quel est votre Top 3, et le peloton de queue, dans ce domaine ?

Parmi les secteurs qui me semblent prioritaires, il y a bien sûr la santé notamment les sociétés de biotechnologies qui sont des cibles idéales pour les grands laboratoires pharmaceutiques ayant besoin d’étoffer leur portefeuille de brevets.

Ces opérations sont soutenues par la réforme fiscale américaine qui va permettre aux entreprises américaines de débloquer leur trésorerie jusqu’alors piégée à l’international. Cette manne pourra être, entre autre, utilisée pour financer des opérations de croissance externe. D’ailleurs, 50% de la trésorerie piégée à l’international est détenue par des sociétés du secteur de la santé et de la technologie.

Je pense aussi à l’univers des technologies, où les valeurs de taille moyenne actives dans l’univers du digital ou des semi-conducteurs sont autant de cibles intéressantes pour les grands acteurs du secteur. Ces grands acteurs disposent d’une trésorerie suffisamment importante pour soutenir une consolidation sectorielle verticale ou horizontale.

Enfin, il faut s’intéresser au secteur de la consommation où les grands acteurs de l’e-commerce commencent à se diversifier dans la distribution physique. Garder aussi un œil sur les grands acteurs du luxe.

Quant aux secteurs qui nous intéressent moins, les services aux collectivités offrent à mon sens aujourd’hui peu d’intérêt fondamentalement parlant. L’immobilier, même si le secteur est assez actif en termes de consolidation. Et enfin la consommation non-cyclique qui présente des niveaux de valorisation plutôt élevés par rapport au potentiel de croissance.

Avez-vous des craintes concernant l’environnement économique ? Quels sont les vents porteurs ?

Ma principale crainte reste liée aux décisions des banques centrales avec une remontée brutale des taux ; mais je n’y crois pas. En ce qui concerne les Banques centrales, les incertitudes sont derrière nous : elles vont remonter leurs taux de manière très progressive. En revanche, mes craintes se porteraient plus sur des évènements exogènes (attentats ou guerre), donc principalement géopolitiques (relation Etats-Unis-Corée du Nord, Italie…).

Coté vents porteurs, la qualité des résultats des entreprises et les perspectives de croissance bénéficiaire des sociétés constituent un véritable moteur de progression des marchés. Le contexte économique reste porteur, soutenu par l’accélération des dépenses d’investissement et la robustesse de la consommation, notamment aux Etats-Unis.

La mondialisation commence à susciter des questions, voire de doutes. Comment composer avec des puissances ayant un autre modèle que la nôtre ?

Dans le domaine qui nous intéresse, les restructurations, fusions et acquisitions, il y a un phénomène qui mérite d’être suivi de près. Il s’agit des acquisitions réalisées par des sociétés chinoises déjà fortement endettées qui sont soutenues par les banques nationales. Cela s’intègre dans la politique de rééquilibrage de la croissance initiée par les autorités chinoises dans le contexte des « Nouvelles routes de la soie ».

On a assisté en 2016 avec une véritable explosion dans ce domaine avec des activités de fusions et acquisitions transfrontalières chinoises qui ont atteint 250 milliards de dollars.

L’objectif pour ces entreprises est de trouver de nouveaux débouchés, de faire des acquisitions dans des secteurs stratégiques ou encore de s’adapter aux nouveaux modes de consommation.

C’est un mouvement difficile à endiguer, alors même que souvent certains prédateurs chinois sont plus endettés que leurs cibles occidentales (en 2016, le taux d’endettement moyen des sociétés chinoises prédatrices était de 70%, contre 45% pour celui des sociétés cibles). La seule stratégie pour s’en prémunir est sans doute ce que font les Etats-Unis à travers le CFIUS, à savoir, après analyse du dossier, s’opposer à toute opération touchant de près ou de loin la sécurité du territoire.