Les théories monétaristes semblent être passées de mode chez les banquiers centraux et les observateurs de marché. Les données récentes montrent pourtant que le lien entre l'inflation et la croissance de la masse monétaire existe toujours.
Cela n’a rien d’étonnant pour les vétérans des marchés. Dans les années 1980 et 1990, le développement de différentes mesures de la masse monétaire a attiré beaucoup d'attention, tout comme on porte beaucoup d’intérêt de nos jours aux chiffres de l'emploi et du chômage. Désormais, le monétarisme a reculé en tant que doctrine économique. Ceux qui se penchent sur la croissance de la masse monétaire et en soulignent encore la pertinence s’explosent à quelques railleries. En effet, les États-Unis et la zone euro continuent d’afficher des taux d'inflation remarquablement faibles malgré la forte croissance de leur masse monétaire au cours des dernières années.
Sur longue période, les mêmes données peuvent toutefois être interprétées différemment et soutenir les théories monétaristes, comme le montre notre graphique. Celui-ci compare la croissance annualisée de la masse monétaire M2 entre 2007 et 2017 et l'indice des prix à la consommation (inflation) de 2017 dans plusieurs pays. Il s’en dégage que la croissance de la masse monétaire reste un facteur déterminant de l’inflation. L’Argentine, l’Égypte, l’Ukraine et la Turquie font partie des pays où la création monétaire est la plus rapide. Sans surprise pour un monétariste, il en résulte des taux d’inflation à deux chiffres dans ces pays.
En revanche, la discipline monétaire sur d’autres marchés émergents tels que l’Afrique du Sud a permis de limiter l’inflation. De même, la zone euro et les États-Unis tirent toujours profit de leur lutte passée pour contenir l’inflation : malgré leurs récentes expériences monétaires, les anticipations d’inflation restent bien ancrées.
Ceci nous amène à une conclusion intemporelle : dans les pays où la masse monétaire augmente rapidement, la stabilité des prix est fortement menacée. Au-delà d'un certain point, cette stabilité est perdue. Déterminer le stade à ne pas franchir est une tâche particulièrement délicate. Pour éviter les mauvaises surprises, il reste donc judicieux de toujours garder un œil sur la masse monétaire.
Bettina Müller est chef économiste pour l'Europe chez DWS.