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Alors que les Tribunaux français se disent débordés, il existe une alternative encore très peu connue dans l’Hexagone qui a pourtant prouvé à plusieurs reprises son efficacité, notamment sur le dossier épineux du Forex : la médiation. Du coté des marchés financiers c’est le médiateur de l’AMF qui est en charge de ces dossiers. Straight Out avec Marielle Cohen-Branche, Médiateur de l’AMF.

 

L’AMF a beaucoup fustigé le Forex en alertant les investisseurs des dangers de certaines offres déloyales, voire trompeuses. Récemment l’AMF a publié une alerte sur les métaux rares, pensez-vous que les entourloupes sur cette classe d’actifs puissent prendre la même ampleur que sur le Forex ?

L’ampleur du phénomène Forex provient d’une part d’un détournement de la procédure européenne du passeport européen, la LPS (Liberté de Prestation de Service) où l’on constate que la plupart des sites sont agréés à Chypre, dont seul le régulateur est compétent pour sanctionner même si les services sont commercialisés en France. Et d’autre part de la cible de gens visée par ce produit financier, des populations qui sont généralement vulnérables et crédules, harcelées pour engager des sommes de plus en plus importantes alors qu’elles n’ont pas de moyens. C’est pourquoi le phénomène Forex s’apparente à de l’escroquerie sans pour autant, le plus souvent, qu'on puisse le qualifier comme tel compte tenu des techniques téléphoniques employées par ces sites qui rendent très difficiles la fourniture de preuves.

Concernant les terres rares, ce ne sont pas des produits financiers comme les autres. Ils relèvent de la catégorie des biens divers. Or ces derniers jusqu’en 2014 n’étaient susceptibles de faire l’objet de sanctions que dans des conditions tellement strictes, que c’était les sanctions qui étaient rares, plus que les terres… En 2014 grâce à la détermination de l’AMF il a été possible de créer, au titre de la régulation, une seconde catégorie de biens divers, plus large, qui touche plus facilement les distributeurs, mais pour lesquelles l’AMF ne dispose que d’un pouvoir de contrôle a posteriori et plus léger car seules des injonctions dans ces circonstances sont possibles. L’engouement pour ces produits provient d’une crise de confiance des produits incorporels dû à la crise financière ; d’où cette attirance pour des biens corporels, puis promettent des rendements financiers importants. Il y a donc un vrai risque sur cette catégorie de produits, mais la médiation de l’AMF ne pourra en mesurer l’ampleur que dans quelques  années, lorsque les souscripteurs auront pris conscience de leurs dangers au vu des résultats… Alors les dossiers commenceront à arriver sur mon bureau.

 

Quelle est la spécificité du médiateur financier français par rapport au médiateur financier Anglo-saxon ?

La spécificité du médiateur français, par comparaison au médiateur anglo-saxon, peut se résumer en quatre mots : confidentielle, amiable, volontaire et sans possibilité de recours. En Angleterre, les sociétés financières agréées ont l’obligation d’entrer en médiation avec le médiateur si ce dernier le demande, ses décisions sont dites « binding » (obligatoires) sauf à former un recours devant la High Court, et le "finance ombudsman" peut, depuis plus d’un an, publier intégralement sa décision de manière nominative. De ce fait, la  principale question porte davantage sur la différence existant entre un jugement d’un juge anglais et les décisions du médiateur anglais.

Cette spécificité française selon laquelle par exemple, le pouvoir du médiateur n’est pas contraignant, s’explique aisément : outre bien sûr la culture anglo-saxonne plus forte du compromis, notre justice judiciaire est moins coûteuse que la justice anglo-saxonne. Ainsi, on peut comprendre pourquoi les Anglais ont davantage cherché une alternative à leur système judiciaire, quitte à inventer un système qui s’assimile presque de la justice publique et gratuite pour le consommateur, mais simplement plus souple...

 

Vous avez été conseiller à la chambre commerciale de droit bancaire et financier de la Cour de cassation, vous êtes médiateur de l’AMF, membre du tribunal international administratif de la banque mondiale à Washington… what else ?

J’ai eu toute ma vie des doubles, triples, voire quadruples fonctions. J’ai aussi été femme d’ambassadeur de France en Suède pendant 5 ans à Stockholm ; j’ai fait partie des membres de jurys d’agrégation ; j’ai aussi été nommé au comité de la médiation bancaire ; j’ai fait des compétitions européennes de ski… Donc à la question « what else » je vous répondrais finalement je suis grand-mère et je suis une femme heureuse.

MCH/SL