Arnaud Dubois, responsable du service art à l’Institut du Patrimoine, revient sur les solutions de défiscalisation liées à l'art.
Le marché de l’art reste-t-il un des derniers havre fiscal pour le contribuable ?
Pour des raisons essentiellement historiques, les œuvres d’art bénéficient en France d’une fiscalité favorable pour le collectionneur :
- L’œuvre d’art sort de l’assiette taxable de l’ISF,
- Elle intègre l’actif successoral, en étant imposée au forfait des biens meubles de 5% (sauf si le bien est considéré comme une œuvre d’art exposée, auquel cas elle devient soumise au barème de droit commun).
- Au moment de la revente, le vendeur choisit entre une taxe forfaitaire de 6,5% du prix total ou le régime de droit commun (taxe 34,5% de la plus-value). Ce choix s’effectue selon différents paramètres tels que la durée de détention et le montant de la plus-value.
Malgré ces avantages fiscaux, il est abusif de considérer la fiscalité comme la principale motivation d'une acquisition.
Quelles sont les règles à respecter pour ne pas faire (trop) d’erreurs sur ce marché ?
La première condition d'une acquisition pertinente est la détermination précise des aspirations patrimoniales (plaisir, placement, degré de sécurité, temps de détention, potentiel de rendement...) de l’éventuel acquéreur.
Ces objectifs permettront de déterminer le support du placement ainsi que son mode de gestion.
Craignez-vous une remise en cause de l’exonération des œuvres d’art dans les années à venir ?
L'intégration des œuvres d'art à l’ISF serait une mesure en réalité inapplicable, ce qui rend improbable une réelle remise en cause pour les raisons suivantes :
- Mesure couteuse qui permettrait de récupérer quelques millions d’euros mais qui fragiliserait le marché de l’art : les possesseurs d’œuvres d’art ne manqueraient pas de vendre leurs biens à l’étranger, ce qui provoquerait immédiatement une fuite du patrimoine culturel et un non-retour des capitaux financiers.
- Les plus fortunés ont déjà créé les mécanismes qui permettent l’acquisition d’œuvres d’art à l’étranger et ne sont pas concernés par la fiscalité française. Une remise en cause du dispositif fiscal de faveur créerait une injustice sociale entre les contribuables français et les collectionneurs étrangers, accentuant le manque de compétitivité du marché de l’art en France.
- Le Trésor ne dispose d’aucun moyen sérieux pour apprécier la valeur des œuvres d’art ; comment l’assiette taxable pourrait-elle être évaluée ?
- Nos musées font de plus en plus appel à la générosité des collectionneurs, ou comptent sur le mécanisme de la dation en paiement pour acquérir de nouvelles œuvres. Les institutions muséales largement dépourvues de budgets sérieux d'acquisition deviendraient incapables d'enrichir leurs collections.
Quels sont vos clients ?
50% de mes clients sont des investisseurs purs et l’autre moitié représente des collectionneurs très pointus. Tous ont le point commun de ne pas vouloir perdre d'argent en cas de vente !
Mon activité de gestionnaire de patrimoine artistique consiste à les conseiller sur l'acquisition et la vente des œuvres d’art. Chaque œuvre doit être adaptée au profil de l’investisseur (horizon de placement, diversification du patrimoine, recherche de plus-value à la revente).
Nous accompagnons également les CGPI qui sont rarement initiés au marché de l'art. La connaissance pointue des œuvres d’art et de leurs mécanismes et enjeux dans le patrimoine d'un client fait défaut au CGP. Cet accompagnement leur permet de fidéliser leur clientèle et de rencontrer un nouveau segment de clientèle en proposant un conseil à forte valeur ajoutée.
Votre plus belle histoire d’amour ?
De jeunes mariés voulaient s’offrir un tableau mais leur budget était un peu juste. Néanmoins, j’ai souhaité les aider en leur trouvant l’œuvre qui leur conviendrait.
Leur goût s'est arrêté sur une œuvre de Bernard Frieze dont l'estimation en vente publique aurait peut-être été de 20/30.000 dollars, ce qui était hors budget pour nos clients.
Les jeunes mariés se sont offert ce tableau pour un montant inférieur à 10.000€. Les prix de l'artiste atteignent aujourd'hui des montants supérieurs à 40.000€. Malgré une plus-value conséquente, les clients ne souhaitent toujours pas s'en séparer...
AD/EF
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