Emmanuel Macron a annoncé vendredi 16 juin dernier un plan pour décarboner l’industrie de l’aviation. Cette politique s’inscrit dans le cadre de l’initiative ReFuelEU, qui vise à ce que l’Union Européenne atteigne 2% d’utilisation de biocarburants dans le secteur aérien dès 2025 et 6% à horizon 2030. L’enjeu est de taille : au sein de l’Union Européenne près de 60 %[1] de la demande de pétrole est consommée par les transports, faisant de la décarbonisation et de la souveraineté énergétique des priorités absolues. Si l’électrification est un levier important de la transition énergétique, les biocarburants ont également un rôle stratégique à jouer.
Alors que l’électrification constitue sans doute la meilleure option pour les véhicules légers à long terme, les biocarburants peuvent fournir une solution à faible teneur en carbone pour les camions lourds, les navires et les avions, qui ont à leur disposition moins d’options viables de décarbonisation à moyen terme.
Un marché déjà important
L’industrie des biocarburants a en réalité déjà décollé depuis quelques années. Ils représentent 6,8 %[2] de la consommation de carburant pour le transport routier en Europe en 2020. Aux États-Unis, ils représentent déjà 10 % de la consommation d’essence. En Californie, grâce au programme LCFS (Low Carbon Fuel Standard), le diesel renouvelable représente aujourd’hui 20 % de la demande totale de diesel. L’AIE, ou Agence internationale de l’énergie, prévoit que la consommation de biocarburants augmentera de 20 %[3] par an au cours des cinq prochaines années, sous l’impulsion de politiques telles que l’objectif de l’UE de parvenir à 14 % d’utilisation de biocarburants dans les transports d’ici à 2030. Au niveau français, cela représenterait une opportunité de 500 000 tonnes rien que pour le carburant aérien à produire d’ici 2030 pour satisfaire la demande domestique.
Les États-Unis offrent des incitations liées à la loi sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act) de 2022, conçues pour favoriser une plus grande pénétration, tandis que la Chine s’est engagée à « promouvoir activement l’utilisation de biocarburants avancés ».
Biocarburant = ESG ? Une équation plus complexe à résoudre
Si le label « énergie renouvelable » est un facteur positif, il n’est à lui seul pas suffisant. Il est important de tenir compte de l’impact environnemental des différents types de biocarburants et de leurs processus de production lors de l’évaluation de leur potentiel en tant que solution de remplacement des combustibles fossiles conventionnels. Certains biocarburants de première génération, c’est-à-dire produits à partir de cultures alimentaires riches en sucre, en amidon ou en huile, ont été directement liés à la déforestation, au changement d’affectation des sols et à des impacts négatifs sur les communautés locales dans certaines régions, ce qui a poussé certains régulateurs, notamment en Europe, à limiter leur utilisation.
Bien que ces préoccupations soient valables et nécessitent un suivi, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), 70 % du diesel renouvelable était dérivé de déchets et de résidus en 2021. Les incitations annoncées aussi bien par l’UE que ses pays membres vont donc dans le bon sens en promouvant la croissance dans ce domaine tout en limitant la production de biocarburants de première génération.
Le carburant Biojet paré au décollage
Le « Biojet », ou carburant durable d’aviation (CDA), est considéré comme le futur secteur de croissance de l’industrie. L’aviation contribue actuellement à hauteur de 2,5 %[4] aux émissions mondiales de CO2, et les émissions de l’aviation continuent d’augmenter. Les solutions électriques et à base d’hydrogène ne seront pas envisageables avant un certain temps dans le domaine de l’aviation, ce qui fait du CDA la seule solution viable à moyen terme, hormis la réduction du trafic aérien. Le CDA a été certifié selon les normes ASTM pour l’aviation mondiale, pour constituer jusqu’à 50 % du mélange de carburant pour l’aviation.
Le marché du CDA en est encore à ses débuts. En 2021, les États-Unis n’ont produit que 19 millions de gallons de CDA, ce qui est dérisoire par rapport aux 20 milliards de gallons consommés annuellement par les compagnies aériennes américaines avant la pandémie. Cette consommation devrait doubler d’ici 2050. Heureusement, les mesures d’incitation mises en place entraînent une croissance exponentielle du marché des CDA :
- Aux États-Unis, l’administration Biden a pour objectif de produire 3 milliards de gallons de CDA d’ici à 2030 et a introduit un crédit d’impôt à titre d’incitation.
- En Europe, la réglementation exige que les mélanges de CDA atteignent 2 % d’ici à 2025 et 5 % d’ici à 2030.
- L’industrie mondiale du transport aérien s’est mise d’accord sur un plan volontaire appelé CORSIA (Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation) afin de stabiliser les émissions de CO2 du secteur.
Le CDA est actuellement deux à trois fois plus cher que le kérosène traditionnel, mais l’opportunité de marché attire un certain nombre de nouveaux entrants. Au cours des cinq prochaines années, l’offre de CDA devrait augmenter à un taux annuel de 54 %, contre seulement 19 % pour le diesel renouvelable[5].
World Energy, un raffineur américain, a été le premier à se lancer sur le marché en 2016 et développe actuellement sa production grâce à un partenariat avec Air Products, avec pour objectif de produire 340 millions de gallons par an. Neste, le raffineur finlandais, est déjà le plus grand acteur dans le domaine du diesel renouvelable et est en passe de devenir également le plus grand producteur de CDA grâce à l’augmentation de sa production prévue cette année à 1,5 million de tonnes (≈450 millions de gallons) par an.
La France possède un avantage avec de la visibilité sur la demande locale et un premier site de production avec la bio-raffinerie de la Mède. Le soutien de l’État est bienvenu afin de garantir la compétitivité de la France comme site d’implantation face notamment aux Etats-Unis qui ont vu de nombreuses annonces de capacité suite au large soutien offert par l’Inflation Reduction Act (plan de soutien américain).
Du fait du potentiel de croissance du marché des biocarburants, les investisseurs peuvent souhaiter positionner une partie de leur portefeuille sur ce marché. Il est donc essentiel de procéder au préalable à une analyse précise de ces acteurs, des technologies qu’ils utilisent, des avantages et des risques environnementaux liés à leurs technologies en matière de biocarburants et de leur potentiel de croissance.
[1] Eurostat, en 2021. Pétrole et produits pétroliers - un aperçu statistique - Statistics Explained., consulté en avril 2023.
[2] Agence européenne pour l’environnement, Intensité des gaz à effet de serre des carburants utilisés dans les transports dans l’UE en 2020 : Surveillance dans le cadre de la directive sur la qualité des carburants. Février 2022 ETC CM Eionet, , consulté en avril 2023.
[3] AIE – Rapport sur les biocarburants, septembre 2022, consulté en avril 2023.
[4] Budget carbone mondial 2019, aviation uniquement, consulté en avril 2023.
[5] Renewable Fuels Project Tracker BNEF, 2023, consulté en avril 2023.
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