Pour ce huitième colloque de la Commission des sanctions de l’AMF (Autorité des Marchés Financiers) le sujet brulant de la saison était la répression des abus de marché à l’épreuve du principe de non bis in idem.
Rappelons tout d’abord le contexte : la France réserve le principe de non bis in idem à la matière pénal, contrairement à d’autres pays qui l’ont érigé en un droit fondamental. Un premier arrêt de la CEDH (Grande Stevens du 4 mars 2014) a mis en péril ce principe en invalidant indirectement la réserve française par la condamnation de la réserve italienne utilisant le même système de répression des abus de marché. Puis, la décision du C.C du 18 mars 2015 met définitivement fin à ce système qui sera supprimé le 1er septembre 2016.
En cela, la première table ronde du colloque de ce jour avait pour objectif de clarifier cette question : dans la mesure où un nouveau système doit être mis en place, de nombreuses propositions ont été mises sur la table.
Mattias Guyomar, Conseiller d’État, commence par rappeler la substance de la décision du C.C qui d’une part exclut le cumul pour des sanctions de même nature et d’autre part exclut que des poursuites puissent être engagées ou continuées dès lors que les premières poursuites auront déjà été engagées par l’autorité judiciaire. En cela, la compétence des abus de marché entre l’AMF et le parquet financier se règle selon le principe du premier saisissant dans l’attente d’un nouveau système.
Il conclut « habilement » sur le fait que la réserve française n’ayant pas encore été invalidé par la CEDH, la France n’est pas dans l’obligation de tirer des conséquences de cet arrêt…
Argument que contesta Claude Raynal, Sénateur membre de la Commission des finances, qui a déposé hier un projet de loi visant à réformer ce système. Il fait remarquer que l’objectif du législateur est tout de même de ne pas se faire condamner ; donc « sans être en avance il convient d’intégrer cette décision afin d’éviter une éventuelle contrainte futur d’extension de cette décision à la France ».
À la suite de ces développements chacun des membres ont exposés leur proposition de réforme du système de répression des abus de marché. Voici les propositions des principaux points litigieux :
Propositions d’Eliane Houlette, procureur national financier
- Coopération du parquet et de l’AMF sur les décisions de poursuites avec un monopole du Parquet financier sur la matière pénal.
- En cas de conflit, prévoir le recours au procureur général afin qu’il puisse orienter le dossier vers le parquet ou l’AMF.
Propositions de Gérard Rameix, président de l’AMF
- Instituer un cadre contraignant de la matière pénal afin que le dossier puisse objectivement être orienté vers l’AMF si les critères ne sont pas remplis.
- En cas de conflit, « en pratique les conflits sont rares et à chaque proposition d’un conseil juridictionnel ou administrative, les juristes répondent que cela est inconstitutionnelle.»
Propositions Claude Raynal, sénateur membre de la Commission des finances
- En cas de conflit de compétence, mettre en place un conseil des infractions boursières qui aurait le même rôle que le Tribunal des conflits et qui serait, de même, insusceptible de recours.
À ces propositions, beaucoup de questions ont encore été soulevées. Il n’existe pas encore de réel consensus, si ce n’est qu’il va falloir trouver une solution d’ici septembre 2016 si on ne souhaite pas que les abus de marché restent « impunis ».
SL/FL