L'une des plus grandes expériences mondiales dans l'ingénierie financière pourrait bientôt toucher à sa fin, annonçant ainsi une nouvelle ère de hausse des taux au Japon.
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Le Japon pourrait mettre fin au contrôle de la courbe des taux et à la politique des taux d'intérêt négatifs
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Tournant décisif annonçant une hausse des taux des obligations d'État japonaises
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Cette évolution crée une opportunité de « vente à découvert » permettant de profiter de la baisse des prix des actifs
Le pays s'est démené pendant plus de vingt ans pour atteindre un taux d'inflation de 2 %, en tentant initialement d'atteindre ce niveau par le bas. Même si le Japon a récemment enregistré des niveaux d'inflation plus élevés, sa banque centrale n'a pas encore crié victoire.
Le combat a été long. Pour essayer de déclencher l'inflation, un vaste programme d'assouplissement quantitatif a été lancé en 2001, suivi d'une politique de contrôle de la courbe des taux (YCC) sans précédent au niveau mondial en 2016, afin de fixer artificiellement les rendements obligataires et de mettre fin à l'appréciation du yen, qui importait la déflation. Ces mesures reposaient sur une politique de taux d'intérêt négatifs (NIRP) visant à encourager les ménages à dépenser et à ne pas épargner à perte.
Aujourd'hui, les politiques YCC et NIRP pourraient être abandonnées, car le Japon tente de ramener l'inflation à un niveau de 2 % et de revenir à une économie normale, explique Mathieu van Roon, gérant de portefeuille de l'équipe Solutions multi-actifs durables de Robeco. Par conséquent, les taux des obligations d'État japonaises (JGB) finiront par amorcer une hausse, rendant cette classe d'actifs moins attractive pour les investisseurs et créant une opportunité de « vente à découvert » sur ce marché.
Mort de l'acronyme
« Après plusieurs décennies, nous sommes enfin arrivés à un tournant décisif qui annonce l'évolution à la hausse des taux japonais », déclare Mathieu van Roon. « Depuis l'éclatement de la bulle économique japonaise au début des années 1990, le Japon a cherché à sortir de la déflation, mais sans succès.
Récemment, la hausse persistante du taux d'inflation, la baisse du yen et le niveau plus élevé de la croissance économique ont exercé une pression sur les politiques YCC et NIRP de la Banque du Japon. Cela signifie-t-il la « mort de l'acronyme » ou MDA – comme nous l'appelons de manière ironique – pour le Japon ? »
Début de l'assouplissement quantitatif
Le programme colossal d'assouplissement quantitatif du Japon a été mis en place pour faire face à la récession qui a débuté en 2001. Dans le cadre d'un tel programme, la banque centrale crée électroniquement de l'argent et l'utilise pour acheter des obligations d'État afin d'accroître la liquidité financière et de relancer l'économie.
« Cela n'a pas permis d'augmenter l'inflation et le gigantisme du programme a commencé à atteindre ses limites après que la banque centrale a acheté près de la moitié des obligations d'État japonaises en circulation », explique Mathieu van Roon.
« Pour y remédier, le contrôle de la courbe des taux a été introduit en janvier 2016, ajoutant un objectif de taux de -0,1 % pour la dette à court terme, afin d'éviter une hausse inopportune du yen. Huit mois plus tard, un objectif de 0 % pour les taux à 10 ans a été ajouté afin de tirer les taux à long terme vers le haut.
Bien que le contrôle de la courbe des taux ait permis à la Banque du Japon d'acheter moins de dette – seulement la quantité nécessaire pour atteindre l'objectif –, il a tout de même entraîné une baisse des volumes de transactions, et un ancrage étroit des taux sur les objectifs d'inflation s'est opéré. »
De la déflation à l'inflation
Aujourd'hui, dans une époque différente où l'inflation mondiale a été déclenchée par la guerre russo-ukrainienne et la flambée subséquente des prix des denrées alimentaires et de l'énergie, l'inflation est nettement supérieure à l'objectif fixé au Japon, à environ 3,1 % hors denrées alimentaires et à 4,3 % hors denrées alimentaires et énergie.
« L'un des facteurs de hausse de l'inflation est le fait que le Japon importe actuellement la majeure partie de ses denrées alimentaires et de son énergie de l'étranger », explique Mathieu van Roon. « Plus le contrôle de la courbe des taux se prolonge, plus la probabilité d'un affaiblissement anarchique du yen, et donc d'une nouvelle importation de l'inflation depuis l'étranger, est élevée.
Compte tenu de l'inflation persistante généralisée et de la baisse du yen, combinées à la croissance économique accrue du Japon, et des nouvelles hausses salariales potentielles, le taux d'inflation devrait rester largement supérieur à l'objectif de 2 %.
Cela signifie que les politiques de la Banque du Japon portent leurs fruits, ce qui lui permet d'ajuster encore, voire d'abandonner complètement la politique de contrôle de la courbe des taux – puis de mettre fin à la politique de taux d'intérêt négatifs – et d'exercer une pression à la hausse sur les taux à 10 ans. »
Opportunité de vente à découvert
Comme les prix des obligations évoluent à l'inverse des taux, une hausse du taux signifie que la valeur de l'obligation baisse, ce qui la rend moins attractive pour les investisseurs. Mais cela offre également la possibilité de vendre à découvert sur le marché – un investisseur s'attend à ce que la valeur de l'actif baisse et monétise l'écart de prix au moyen d’instruments dérivés.
Nous pensons que le taux à 10 ans augmentera lentement, mais régulièrement, au cours des prochains mois, jusqu'à ce que la politique de contrôle de la courbe des taux soit ajustée ou abandonnée, après quoi la pression à la hausse sera encore plus forte », déclare Mathieu van Roon. « Pour en tirer parti, il faut choisir un instrument capable de supporter la lente évolution (pas de frais de gestion élevés), qui offre une rémunération plus asymétrique.
Alors que le yen et les marchés actions réagiront fortement à tout ajustement de la politique de contrôle de la courbe des taux ou de celle des taux d'intérêt négatifs, le profil de risque est beaucoup plus symétrique. Nous pensons donc que la vente à découvert des obligations d'État à 10 ans (ou l'utilisation de contrats à terme obligataires) est le moyen le plus efficace d'y parvenir aux niveaux de taux actuels, proches de 0,6 %.
Compte tenu des limites inférieure et supérieure (0,5 %-1,0 %) de la fourchette de taux, il y a un plus grand potentiel de hausse que de baisse. La vente à découvert implique de payer le potentiel de gain et le « roll-down » en termes de taux – et potentiellement de payer des coûts de financement si des contrats à terme sont utilisés –, mais cela est dû au fait que le contrôle de la courbe des taux est relativement modéré, ce qui nous permet de maintenir la position plus longtemps. »
À propos de Robeco
Robeco est un spécialiste international de la gestion d'actifs. L'entreprise fondée en 1929 est basée à Rotterdam, aux Pays-Bas, et compte 16 bureaux dans le monde entier. Leader mondial de l'investissement durable depuis 1995, son intégration de recherches durables, fondamentales et quantitatives lui permet d'offrir aux investisseurs institutionnels et privés une vaste gamme de stratégies d'investissement actives couvrant un large éventail de classes d'actifs. Au 31 décembre 2022, Robeco avait 171 milliards d’euros d'actifs sous gestion, dont 168 milliards intégrant les critères ESG. Robeco est une filiale d'ORIX Corporation Europe N.V. Pour plus d'informations
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