Depuis la fin de l’année 2021 et en raison de changements structurels de l’économie, allant de la décarbonation à la relocalisation des chaînes d’approvisionnement et à l’augmentation des risques géopolitiques, les taux d’intérêt sont entrés dans un nouveau régime. Après deux années de taux beaucoup plus élevés que ceux de la décennie précédente, quelles sont les implications pour les marchés à haut rendement ?
Au cours des deux dernières années, le marché des obligations à haut rendement a connu une contraction d’une rapidité sans précédent.
Si l’on tient compte des valeurs de marché, cette contraction est encore plus impressionnante, car la plupart des obligations se négocient actuellement avec une décote. Depuis la fin de l’année 2021, l’indice ICE BofA BB-B Global High Yield a perdu 654 milliards de dollars, soit plus d’un quart de sa valeur. La taille du marché est passée de 2510 milliards de dollars à 1856 milliards de dollars[1].
Nous pensons que cette contraction s’explique par trois principaux facteurs.
1. Le comportement des entreprises
En raison de la hausse des taux d’intérêt et donc du coût de la dette, de nombreuses entreprises ont modifié leurs priorités en termes d’allocation de capital, et préféré réduire leur dette plutôt que de lancer des opérations de fusions-acquisitions et de rachats d’actions. Par conséquent, certaines obligations arrivant à échéance ne sont pas refinancées par de nouvelles émissions, mais remboursées par les flux de trésorerie disponibles générés par les émetteurs, ce qui se traduit par une offre négative sur le marché.
2. Plus d’étoiles montantes que d’anges déchus
Au cours des deux dernières années, le nombre de rising stars (ou « étoiles montantes ») a significativement dépassé celui des fallen angels (ou « anges déchus »)[2], comme le montrent les deux graphiques ci-dessous pour les émetteurs en euros et en dollars. Si de nombreuses entreprises ont décidé de réorienter leurs priorités vers la réduction de la dette, la plupart des grandes entreprises de catégorie BB, les mieux notées sur les marchés à haut rendement, sont allées un cran plus loin et se sont même engagées à passer dans la catégorie Investment Grade afin de bénéficier à l’avenir d’un coût de la dette moins élevé.
3. Des taux de défaut plus élevés
Les hausses de taux d’intérêt ont également eu pour conséquence une augmentation des taux de défaut. Après une décennie d’argent gratuit, certaines structures de capital ont accumulé trop de dettes et ne sont plus viables dans l’environnement actuel. En conséquence, les taux de défaut et les créances sinistrées ont sensiblement augmenté à partir de niveaux très bas.
À l’avenir, nous nous attendons à ce que cette tendance se poursuive, bien qu’à un rythme plus lent.
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Les entreprises sont moins favorables aucrédit – Après la forte hausse des spreads de crédit vers leurs niveaux les plus resserrés depuis plusieurs décennies aux États-Unis, nous commençons à percevoir des changements dans les comportements des entreprises (fusions-acquisitions, rachats d’actions et opérations sur les dividendes pour les crédits détenus par le capital-investissement). Cela devrait se traduire par une offre de crédit nette positive.
- La dette privée apparaît comme une nouvelle alternative au hautrendement – avec des taux plus élevés, la dette privée a attiré des volumes de capitaux importants de la part des investisseurs et peut être considérée comme une alternative au marché du haut rendement pour les émetteurs, ce qui peut accentuer le phénomène d’offre nette négative.
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Il reste de grandes « étoiles montantes » potentielles en Europe, mais pas aux États-Unis– Nous pensons que les rising stars continueront à soutenir le marché de façon importante en Europe alors que leur effet devrait être plus neutre aux Etats-Unis, une situation contrastée qui appelle à la sélectivité.
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Les taux de défaut resteront plus élevés qu’au cours de la décennie précédente – Nous pensons que le cycle de défaut sera lent mais plus long, car les entreprises les plus endettées devront progressivement supporter des coûts d’endettement plus élevés lorsqu’elles essaieront de refinancer leurs échéances dans les années à venir. Certaines structures de capital dans les catégories B et CCC ne sont plus viables dans le nouvel environnement et devront être modifiées au cours des prochaines années.
Par Nicolas Jullien, CFA, Head of High Yield & Credit Arbitrage
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