À moins de trois semaines du scrutin du 5 novembre, les résultats de l'élection présidentielle américaine ainsi que celles du Sénat et de la Chambre des représentants restent trop indécis pour être connus. Un gouvernement divisé à Washington, sans qu'un seul parti ne contrôle la Maison Blanche, le Sénat et la Chambre des représentants, est envisageable.
Selon toute vraisemblance, les résultats de l'élection présidentielle seront extrêmement serrés dans les États clés et il est fort possible que les majorités au Sénat et à la Chambre des représentants le soient également. Une période d'incertitude, marquée par des recomptages et des résultats contestés devant les tribunaux, est également possible.
Les investisseurs doivent se préparer à l'incertitude et aux éventuels accès de volatilité qui précéderont et suivront le jour de l'élection. Il est tout à fait possible que le résultat de l'élection présidentielle ne soit pas arrêté avant la date limite de certification du 17 décembre.
Nous l'avons déjà vu…
Lors des élections américaines de 2020, les résultats pour la présidence ainsi que le contrôle de la majorité au Sénat et à la Chambre des représentants ont été décidés par des majorités très faibles. Si le Président Joe Biden a été élu en 2020 avec une confortable majorité au collège électoral (306-232) et dans le vote populaire (quatre points de pourcentage d'écart), sa marge dans les États clés était beaucoup plus étroite. M. Biden a remporté l'Arizona avec moins de 10 500 voix, la Géorgie avec moins de 12 000 voix et le Wisconsin avec un peu plus de 20 000 voix. Sans ces trois États, l'élection aurait abouti à une égalité parfaite, chaque candidat ayant obtenu 269 voix au collège électoral, et le résultat aurait été déterminé par la Chambre des représentants. En résumé, M. Biden a remporté la présidence des États-Unis avec moins de 50 000 voix exprimées sur un total de plus de 155 millions, soit une marge de victoire de 0,032 %.
Tel est l'état de l'Union, ou du moins du mécanisme constitutionnel, parfois difficile à suivre, pour choisir les présidents par le biais du collège électoral.
Aujourd'hui, les sondages et les marchés à terme indiquent une course qui, comme en 2020, semble trop serrée pour être connue. Les marges pour le vote populaire dans les sondages se situent pour la plupart dans des fourchettes statistiquement insignifiantes, tout comme celles pour les sept États clés que sont l'Arizona, la Géorgie, le Michigan, le Nevada, la Caroline du Nord, la Pennsylvanie et le Wisconsin. Différents organismes de sondage1 montrent que la marge de Harris est faible, voire qu'elle se réduit. Le site 5382 très suivi, composé de sondages et de marges de probabilité, estime que le résultat du scrutin est « trop serré pour être connu ».
La situation n'est guère plus évidente en ce qui concerne le Sénat et la Chambre des représentants. Selon l'Iowa Electronic Markets3, les chances que les démocrates prennent le contrôle de la Chambre des représentants sont actuellement de 78 %. Selon la même mesure, les républicains ont 68 % de chances d'obtenir la majorité au Sénat américain. Si ces probabilités sont plus élevées que les probabilités similaires concernant l'issue de la présidentielle américaine, elles reflètent toutefois des marges de victoire extrêmement étroites, les majorités au Congrès pouvant se jouer sur un seul siège au Sénat et sur une demi-douzaine de sièges à la Chambre des représentants. En bref, à un peu plus d'un mois du scrutin, tout reste à faire.
L'incertitude persistera
Cela signifie que l'incertitude pourrait perdurer au-delà du jour de l'élection. Rappelons qu'après le scrutin de 2020, il a fallu une semaine entière pour que des sources indépendantes déterminent le vainqueur de l'élection présidentielle, et jusqu'à la mi-décembre pour que le processus de certification s'achève à la suite de nombreuses contestations judiciaires. La majorité du Sénat de 2021 n'a été décidée qu'au début du mois de janvier, en raison des élections sénatoriales spéciales en Géorgie.
Les contestations judiciaires, dont certaines ont déjà commencé, ajoutent à l'incertitude. Les recomptages, les retards et les litiges concernant la certification des résultats, ainsi que les procédures judiciaires, sont pratiquement assurés si les résultats des élections dans les États sont serrés. Diverses contestations juridiques et procédurales sont susceptibles de perdurer au moins jusqu'au 17 décembre, date limite pour la certification par les États des résultats de l'élection présidentielle et la nomination officielle des électeurs des États en vue de la certification par le Congrès le 6 janvier 2025.
Dans certains États, les litiges et les querelles politiques sont encore plus fréquents. En vertu des lois adoptées depuis 2020, la Géorgie exige des responsables électoraux qu'ils mènent une enquête sur les résultats des élections, tandis qu'en Pennsylvanie, les pétitions de recomptage des comtés peuvent être déposées par seulement trois électeurs inscrits. Les possibilités de délai et de confusion sont évidentes.
Comment les investisseurs peuvent-ils tirer leur épingle du jeu ?
Comme nous l'avons dit précédemment, à long terme, la composition du gouvernement fédéral américain - gouvernement unifié ou divisé, présidence démocrate ou républicaine influe peu, voire pas, sur les rendements des marchés actions ou obligataires. Historiquement, ce sont les fondamentaux de la croissance, de l'inflation et des bénéfices des entreprises qui sont les principaux moteurs, et non l'orientation politique de Washington.
Mais chaque élection est différente. Une élection serrée, avec des résultats disputés dans les tribunaux et dans l'opinion publique, rappelle non seulement 2020, mais aussi 2000. Il y a 24 ans, la Cour suprême s'était prononcée à 5 voix contre 4 pour faire basculer l'élection en faveur de George W. Bush. À cette époque, alors que la Cour suprême jouissait d'une crédibilité et d'une légitimité bipartisanes qu'elle n'a plus aujourd'hui, sa décision avait été acceptée par le perdant, l'ancien vice-président Al Gore, et par ses partisans. Après le 6 janvier 2020, et compte tenu d'une confiance de l’opinion publique dans la Cour suprême plus faible que jamais, les investisseurs auront-ils la même fois dans le fait que le résultat d'une élection décidée par la plus haute juridiction du pays sera facilement acceptée par le camp perdant ?
Au cours de la dernière décennie, les marchés ont fermé les yeux sur la dégradation des institutions politiques américaines. Jusqu'à présent, cette attitude leur a réussi : depuis 2015, les marchés ont enregistré des rendements supérieurs à ceux justifiés par les fondamentaux.
Mais une économie moderne exige non seulement la primauté du droit, mais aussi son acceptation générale. Il faut croire que les normes seront respectées et que la volonté populaire, exprimée par les élections, prévaudra. Si ces fondements de la stabilité politique sont mis à l'épreuve par une élection contestée où l'État de droit n'est pas accepté par le perdant, nous pensons que l'adage selon lequel « les marchés sont guidés par les fondamentaux » sera également mis à l'épreuve.
Références
1 https://global.beyondbullsandbears.com/2024/10/03/quick-thoughts-us-election-update-uncertainty reigns/#_ftn1
2 https://global.beyondbullsandbears.com/2024/10/03/quick-thoughts-us-election-update-uncertainty reigns/#_ftn2
3 https://global.beyondbullsandbears.com/2024/10/03/quick-thoughts-us-election-update-uncertainty reigns/#_ftn3
Pour consulter l'article dans son intégralité, cliquer ICI.
Par Stephen Dover, responsable de la stratégie de marché et Directeur du Franklin Templeton Institute chez Franklin Templeton
Pour accéder au site, cliquez ICI.