C’est un cauchemar quotidien. La liste est longue des sociétés européennes révisant à la baisse leurs prévisions pour 2024 : ASML, Nestlé, IPSOS, Rexel, Eramet et Stellantis, entre autres.
Dorénavant et selon le consensus des analystes, le bénéfice par action devrait baisser en 2024 pour l’ensemble des entreprises des indices CAC 40, Euro Stoxx 50 et Stoxx Europe 600 respectivement de 4%, de 2,8% et de 0,6%. Pourtant, malgré tous ces accidents, dont certains ont été lourdement sanctionnés comme ce fut le cas pour ASML, les bourses font de la résistance et évoluent dans une borne de fluctuations assez étroite depuis trois semaines.
Pourquoi ?
La question qui circule actuellement tous les jours dans les salles de marché est : « Quelle société a annoncé un profit warning aujourd’hui ? ».
Encore plus surprenant, l’hémorragie concerne une grande variété de secteurs et pas seulement un segment particulier de la cote. Le luxe, pilier de la bourse de Paris, n’est pas non plus épargné, avec LVMH. Le champion mondial est même en décroissance organique au troisième trimestre sur un an glissant de 5% dans la mode et maroquinerie, de 7% dans les vins et spiritueux et de 4% dans l’horlogerie et la joaillerie. Une fois de plus, le coupable est tout trouvé : la Chine, avec une baisse de la zone Asie Pacifique hors Japon de 16%, qui s’accélère depuis le début de l’année Pourtant, le titre LVMH a récupéré à ce jour la quasi-totalité de ses pertes depuis mercredi. En effet, la société n’a pas procédé à une révision de ses perspectives annuelles. Néanmoins, la conséquence est sans appel : les estimations des analystes concernant le bénéfice par action du troisième trimestre de l’entreprise ont été révisées à la baisse de 22% depuis le début de l’année. Dorénavant, les analystes anticipent pour cette année pleine une contraction de 8,2% du bénéfice par action de LVMH. Il faudrait donc un fort rebond des ventes au dernier trimestre pour sauver le mauvais millésime 2024.
L’évolution des marchés surprend toujours, soit positivement ou négativement. Dans ce cas précis, il est logique de poser la question de pourquoi le titre ne corrige pas davantage. La raison est double. Premièrement, son cours de bourse a déjà cédé plus de 14% depuis le début de l’année. Sa valorisation est donc en parfait adéquation avec l’évolution négative des profits de l’entreprise. Deuxièmement, être actionnaire c’est acheter les bénéfices futurs et donc les cash-flows à venir sur plusieurs années. Par conséquent, un investisseur se positionne aujourd’hui pour une durée à moyen et à long terme. Dans notre édito du 4 octobre intitulé « Du rêve à la réalité », nous expliquions que les marchés écrivent un scénario six à neuf mois, au minimum, avant leur réalisation. Actuellement, la perspective d’un rebond de l’activité est renforcée depuis plusieurs semaines. Aux États-Unis, les dernières ventes au détail publiées pour le mois de septembre ont impressionné, avec une augmentation mensuelle de 0,7% pour le groupe de contrôle (un échantillon plus précis excluant des éléments très volatils). La consommation devrait continuer à bien se tenir, grâce notamment à une progression du salaire réel (déduit de l’inflation. De ce fait, l’indicateur actuel du PIB de la Fed d’Atlanta culmine à 3,42%, soit au plus haut depuis le mois de mai. Le problème se situe donc en Europe et en Chine.
Dans sa conférence de presse du jeudi 17 octobre, la présidente de la BCE a confirmé que la zone euro n’était pas en récession, mais que certaines données indiquaient un ralentissement. L’institution monétaire a baissé une troisième fois cette année ses taux directeurs, de 0,25%. Le taux de dépôt ressort désormais à 3,25%. Cet assouplissement monétaire, qui se poursuit dans un contexte de désinflation, est un appel d’air pour les marchés, car il ouvre la voie d’une expansion des multiples de valorisation, par effet positif de l’actualisation des flux futurs évoqués précédemment. Reste l’inconnu de la Chine. Les mesures de soutien ouvrent la voie pour une amélioration de l’activité en 2025, même si leur ampleur est jugée trop timorée pour le moment.
Les dernières statistiques indiquent une croissance de 4,6% du PIB au troisième trimestre, toujours en décélération. Néanmoins, l’espoir est permis, car les ventes de détail et la production industrielle en septembre sont ressorties bien supérieures aux attentes et en accélération à 3,2% et à 5,4%. Ces données accréditent le scénario favorable d’une reprise pour 2025. Les investisseurs sont déjà bien positionnés pour bénéficier de ce potentiel mouvement. Espérons que celui-ci se matérialise.
Pour consulter l'intégralité de la Lettre Hebdomadaire, cliquez ICI.
Par Arnaud BENOIST-VIDAL, Analyste macroéconomique,
Gérant du fonds Arc Actions Santé Innovante ESG
Pour accéder au site, cliquez ICI.