Le terme « déjà-vu » a un sens plus subtil que celui qu’on lui attribue traditionnellement. Il dérive en effet de la notion médicale de paramnésie, qui traduit un faux sentiment d’avoir déjà vécu une situation, pourtant totalement nouvelle. Ainsi, l’élection de Donald Trump comme président des Etats-Unis pour la deuxième fois rappelle indubitablement des souvenirs aux investisseurs. Mais comme souvent, l’histoire ne se répète pas, bien qu’elle puisse éventuellement rimer… C’est pourquoi, nous avons décidé ce mois-ci de nous attarder sur les possibles implications du mandat « Trump 2.0 ». L’occasion également d’esquisser les premiers éléments de notre scénario 2025…
En novembre, l’activité s’est de nouveau détériorée en zone Euro, comme en témoignent les enquêtes soumises aux entreprises, qui s’enfoncent en territoire de contraction. À cet égard, mentionnons également le cas de la France, où la confiance des consommateurs et le moral des entreprises ont reculé. Sont-ce là les prémices des conséquences de l’instabilité politique ?
L’inflation est légèrement repartie à la hausse, en raison d’effets de base énergétiques moins favorables. Nous continuons néanmoins d’anticiper une poursuite de la désinflation en zone Euro, avant que celle-ci ne se stabilise autour de 2% mi-2025, à la faveur d’un redressement de la demande privée. Nous sommes, à ce titre, plus optimistes que le consensus. La BCE devrait baisser ses taux en décembre, puis en janvier 2025 et probablement en mars 2025, avant de temporiser ensuite.
Aux États-Unis, l’environnement est différent. Bien que l’équilibre demeure relativement instable, le marché de l’emploi ne se dégrade plus. Les enquêtes conjoncturelles remontent et le rythme de consommation des ménages reste soutenu. L’inflation américaine baisse, mais contrairement à l’Europe, cette dernière est plus « visqueuse ». Dans ces conditions, et comme nous l’indiquons depuis plusieurs mois, l’ajustement de politique monétaire initiée par la Fed ne devrait pas aller très loin...
Du premier mandat de D. Trump, nous retenons la victoire surprise, les baisses de taxes, les menaces envers la Fed sur les réseaux sociaux et la guerre commerciale de 2018-19. S’agissant de son bilan économique (hors Covid), force est toutefois de constater qu’il n’aura pas été mauvais. Les cycles sont indomptables et répondent à des lois qui, parfois, dépassent celles de la physique. Dès lors, doit-on s’attendre à un bis repetita pour ce second mandat ?
Dans ces colonnes, nous balayons souvent les idées préconçues. Les craintes récurrentes d’une seconde vague d’inflation, les anticipations de baisses de taux nombreuses et quasi-continues… C’est donc sans surprise que nous envisageons que la période « Trump 2.0 » sera paradoxalement plus subtile que la « Trump 1.0 ».
S’agissant de la guerre commerciale, nous pensons que l’augmentation de droits de douane relève davantage d’une arme de négociation que d’une menace prête à être exécutée immédiatement. Même dans le cas de la Chine, ces mesures devraient être mises en œuvre de manière progressive. En outre, D. Trump n’a pas intérêt à ce que l’inflation reparte, puisqu’une partie de son électorat l’a élu pour lutter contre ce phénomène. Son entourage proche semble par ailleurs disposer d’une attitude plus… pragmatique sur la question. Rappelons enfin que lors de son premier mandat, D. Trump n’a pas appliqué l’intégralité des augmentations annoncées.
L’économie américaine croît actuellement peu ou prou à son potentiel. Les baisses de taxes envisagées devraient ainsi engendrer une économie « sous haute pression ». Par voie de conséquence, l’inflation réaccélérerait légèrement en réaction à ce choc de demande, d’autant plus si ce phénomène s’accompagne d’une recrudescence des tensions sur le marché du travail. L’évolution à bas bruit des gains de productivité depuis fin 2019 devrait selon nous se poursuivre en 2025, permettant ainsi d’absorber une partie de ces pressions inflationnistes.
Le risque principal réside selon nous dans la relation entre le pouvoir politique et la Fed. Lors de son premier mandat, D. Trump n’a cessé d’invectiver J. Powell sur les réseaux sociaux, afin que celui-ci baisse les taux. La probabilité d’une nouvelle interférence est élevée.
Editorial rédigé par Florent Wabont, Economiste chez Ecofi
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Édito : « Le monde selon D. Trump : comme un air de 'déjà-vu' ? » : Florent Wabont propose une analyse fine des interactions entre politique monétaire, géopolitique et stratégie d’investissement.
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