Retrouvez Benjamin Biard, Jacques Sudre, Raphaël Moreau et Louis d'Arvieu lors de la conférence téléphonique d'Amiral Gestion, du 27 mars 2020.
Introduction
Bonjour à tous. Cette semaine encore nous sommes avec Jacques Sudre, Raphaël Moreau et Louis d’Arvieu pour faire le point sur la semaine écoulée et la façon dont se comportent nos portefeuilles dans ce contexte.
Plans de relance budgétaires et monétaires
La semaine a été marquée par d’importantes annonces de mesures de soutien tant du côté des Etats-Unis que de l’Europe. Le Gouvernement américain a élaboré un package de soutien budgétaire qui ne doit plus qu’être adopté par la Chambre des Représentants. Ce package de 2 trillions de dollars comprend 500 milliards de dollars de soutien pour les grosses entreprises, les Etats fédérés et les municipalités dont 50 milliards de dollars pour les compagnies aériennes, 350 milliards pour les PME, 150 milliards pour les hôpitaux et les équipements des services de santé. Les particuliers sont directement soutenus car 1 200 dollars par adulte et 500 dollars par enfant seront versés sous 75000 USD de revenu individuel (ou 150 000USD par ménage), comme cela a été récemment fait à HongKong et en Thaïlande. Les démocrates ont toutefois insisté sur le fait que tous les récipiendaires de cette aide seront interdits de rachats d’actions pendant la durée du prêt et jusqu’à un an après son remboursement.
En Europe, une politique budgétaire volontariste a également été décidée, mais ce, en ordre dispersé. Ont ainsi été adoptés un plan de 25 milliards d’euros pour l’Italie, 45 milliards d’euros pour la France, mais surtout un plan de 550 milliards en Allemagne, un soutien massif aux entreprises et aux salariés. Quant à la BCE, après avoir annoncé un plan exceptionnel de 750 milliards d’euros la semaine passée (Pandemic Emergency Purchase Programme - PEPP), elle vient d’en fournir les détails. Les achats hebdomadaires d’obligations de la banque centrale seront désormais de 26 milliards d’euros contre 5 milliards par semaine avant crise. Les limites d’achat par émetteur et par titres sont augmentées à un niveau d’au moins 66% ce qui rend son poids d’autant plus important sur le marché.
Il s’agit véritablement d’une transition du pilotage économique par la politique monétaire et les taux vers une politique budgétaire de soutien, c’est sans conteste une évolution majeure. Christine Lagarde l’avait d’ailleurs appelé de ses vœux à son arrivée à la tête de la BCE, désormais l’Allemagne abandonne son sacro-saint objectif d’équilibre budgétaire. En revanche on peut s’interroger sur les équilibres à long terme des déficits publics, des bilans de banques centrales et finalement sur le retour de l’inflation.
Gestion obligataire
La semaine passée, les taux sans risques ont connu une volatilité plus faible, l’Euro Aggregate a gagné environ 0,2% sur la semaine, le 10 ans allemand autour de 1%. Cela matérialise le fait que moins de vendeurs ont du trouver de la liquidité que la semaine passée sur les actifs les moins risqués.
Le crédit a connu un rallye beaucoup plus modéré que les actions sur la semaine avec une hausse de l’ordre de 3% pour le high yield européen. Nous n’avons pas constaté de sorties massives des fonds crédit à l’inverse des ETF, le marché craint en revanche une augmentation drastique des défauts en dépit des aides annoncées. La perspective d’une récession, d’une baisse des chiffres d’affaires et des marges, qui combinée avec un renchérissement des coûts de financement place les sociétés les plus endettées dans une situation précaire.
La sélectivité est, en conséquence, clé dans cet environnement. Nous nous concentrons donc sur des émetteurs souffrant directement de la situation mais possédant des qualités, notamment bilantielles, pour sortir de cette crise en assumant leurs obligations financières. On essaye d’acheter des belles signatures telles que la Fnac, Elis ou Lagardère (bilan solide, forte trésorerie, niveaux de marge élevés). Du côté de notre allocation crédit, nous maintenons une approche prudente avec schématiquement un quart du portefeuille de Sextant Bond Picking en liquidités. Le rendement du portefeuille investi est supérieur à 10% pour une maturité moyenne oscillant autour de 3 ans et une sensibilité au risque de taux de l’ordre de 2%. La performance du fonds est de l’ordre de +1.5% sur la semaine.
Stratégie d’allocation et gestion actions
Côté actions, le rebond a été de forte amplitude la semaine passée. Il est essentiellement lié aux annonces décrites plus haut. Nous avons ainsi enregistré des hausses de 15 à 20% sur les différents indices mondiaux. Ce qui a permis à plusieurs valeurs que nous avons en portefeuille d’afficher d’importants rebonds par rapport à leurs points les plus bas connus la semaine dernière. Par exemple, Sixt et Atos ont repris respectivement 40% et 43% sur la semaine. Les marchés ont visiblement été rassurés par l'ampleur du stimulus budgétaire et monétaire.
Mais les facteurs d'inquiétude et de volatilité ne manquent pas pour les mois et années à venir, au-delà même du sujet sanitaire, ce qui alimentera nécessairement une importante volatilité. D'ailleurs, si la panique boursière semble s'être atténuée, le VIX se situe toujours à des niveaux très élevés, à 67% contre un pic à 82% la semaine dernière. Rappelons-nous qu'il était à 15% il y a encore quelques semaines. En effet, quel sera le véritable impact à long terme de cette montagne d’argent injectée dans l'économie ? Elle risque notamment de remettre en cause d'importants facteurs qui avaient joué en faveur des records boursiers récents. La remise en question des rachats d’actions qui ont largement contribué à la vigueur des indices ces dernières années (américains notamment) pénalisera mécaniquement les bénéfices par action (BPA). L’Etat américain a prévenu qu’il empêcherait les sociétés bénéficiant d'argent public d'utiliser cet outil. D’autres émetteurs très endettés ne pourront, de toute façon, plus y avoir recours avant quelque temps.
Le soutien aux entreprises à court terme, creusant les déficits des Etats, ne risque t-il pas de se traduire par une remontée des taux d'impôt sur les sociétés en sortie de crise, notamment dans les pays qui les avaient le plus réduits, impactant à nouveau les BPA ? Enfin, le risque de remontée des taux longs suscité par ces déficits records est à même de peser sur les multiples, en particulier des valeurs les plus chères. Inversement la politique budgétaire reprenant de l'importance sera probablement plus efficace pour stimuler l'activité que ne l'était la politique monétaire.
Sur le terrain, les entreprises sont actuellement plus ou moins à l’arrêt. L’enjeu est de déterminer le risque de consommation de trésorerie, qu'il vienne des pertes opérationnelles, ou du BFR, qui peut causer des difficultés dans certains secteurs à l'arrêt, comme la distribution non alimentaire par exemple. La quasi-totalité des pays de l’OCDE a mis en place des dispositifs de chômage partiel, ou congés maladie pour garde d’enfants à domicile, ce qui est un élément déterminant permettant de réduire les coûts fixes et donc les pertes.
En tout état de cause, le portefeuille est composé d'entreprises saines avec peu d'inquiétudes sur la situation bilantielle. Début mars, nous avons vendu notre ligne d’actions Do&Co, société autrichienne de catering aérien. Nous avons préféré la couper rapidement compte tenu de l’évolution de la situation et d'une échéance obligataire très courte, à moins d'un an, qui dans un scénario de crise sanitaire durable, risquait de poser des problèmes de refinancement.
Compte tenu du rebond des actions, notre allocation nette sur cette classe d’actif a mécaniquement diminué pour revenir à 44% contre 51% le 23 mars. La poche aurifère est montée à 5%, c’est-à-dire son niveau maximal en raison d’éléments structurels favorables (les taux réels sont significativement négatifs) et d’éléments tactiques intéressants (décote historique des groupes miniers par rapport à un cours de l’or lui-même affaibli par des ventes forcées). Enfin, notre poche d’actions couvertes est remontée à 13% après être restée entre 0 et 5% depuis début 2018, témoignant de notre confiance dans le potentiel retrouvé de surperformance de notre sélection de titres dans ce contexte.
Depuis le début de l’année, la performance de Sextant Grand large est de -11,3%, dont -2,2% attribuable aux obligations et -9,1% aux actions, soit environ un tiers de la baisse des grands indices.
Un rebond est-il possible pour le fonds ? Tout dépendra de la détente du marché du crédit et de la surperformance de notre sélection de titres. Mais la crise n’est pas encore derrière nous et les profonds changements de politiques économiques en cours auront des répercussions durables sur les actifs financiers. Dans ce contexte, une gestion contrariante et opportuniste de l’exposition aux actions et aux obligations et la capacité d’arbitrer au mieux les segments de la cote a toute sa pertinence.
Conclusion
On a bien compris que les marchés n’avaient pas encore retrouvé leur sérénité. Nous vous donnons donc rendez-vous vendredi prochain, pour un nouveau commentaire. D’ici là, prenez soin de vous et vos proches.
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