Pour cette huitième édition, nous avons décidé de faire un focus sur notre fonds Sextant Grand Large. Avec nous pour en parler : Louis d’Arvieu et Jacques Sudre.
Le fonds Sextant Grand Large présente depuis le début de l’année une performance de -10% au 22 avril 2020. Cette performance se décompose de la façon suivante : -7,5% pour les actions et -2,5% pour les obligations. Ce qui démontre que l’allocation privilégiant la trésorerie a plutôt bien fonctionné dans des marchés en forte baisse.
Allocation et Actions - Louis d’Arvieu
L’exposition nette aux marchés actions, qui était en début de crise autour de 25 %, est remontée au plus fort de la crise à 50%.
Aujourd’hui notre exposition nette aux actions est de 40% pour une exposition cible, déterminée par notre modèle basé sur le PER de Shiller, de 43%. Cet écart de 3% à la baisse intervient dans le cadre de la marge de manœuvre de +/-5% que nous nous autorisons et qui est la résultante d’une situation contrastée entre les marchés américains, les plus influents, toujours au-dessus de leur moyenne de long-terme, et les marchés européens, en dessous de leur moyenne de long-terme. Nous avons constaté également un fort retour de l’optimisme grâce à l’action concertée des Banques Centrales et des gouvernements alors même que l’environnement économique et boursier demeure selon nous très fragile.
L’exposition brute aux actions est quant à elle de 58%. Nous avons, en effet, choisi, d’augmenter la partie couverte de notre portefeuille via des positions de couverture sur indices de grandes capitalisations en Europe et aux Etats-Unis. Et cela en raison de l’écart de valorisation entre les grandes capitalisations américaines et les actions du reste du monde, surtout les moins chères et les petites et moyennes capitalisations. On remarque notamment une situation de sur-valorisation et de surachat sur les valeurs technologiques qui est similaire à celle du pic de la bulle internet en 2000. Même si rien ne nous garantit que cela se corrigera de la même façon, la configuration nous semble donc favorable à la remontée de notre partie couverte.
Dans le cadre de nos réinvestissements, nous avons augmenté de 2% à 8% notre exposition en valeurs aurifères en profitant de la baisse du mois de mars. L’or qui n’a pas de rendement est en effet particulièrement intéressant lorsque les taux sont à zéro, voire négatifs. C’est le cas actuellement et cette situation risque de perdurer, offrant une belle perspective à l’or comme élément de diversification du portefeuille. Par ailleurs, les valeurs aurifères bénéficient d’un double intérêt : une offre contrainte, aucune découverte n’ayant été faite ces dernières années, et une grande discipline en matière d’investissements et de coûts si bien que leur endettement est faible. Or elles affichent des décotes intéressantes. Avec une part de 8% dans notre fonds, cela représente 14% de la poche actions, ce qui reste inférieur à la limite maximale de 20% de la poche actions sur un seul secteur.
Enfin, nous souhaitons faire un point sur l’investissement responsable dans cette période de crise qui est un moment de vérité aidant à distinguer les sociétés vraiment durables et responsables de celles qui sont davantage dans la communication autour de ces sujets. Nous analysons toutes les sociétés sous l’angle de la valorisation comme sous l’angle de la qualité, celle-ci incluant l’étude de leur caractère durable et responsable. A l’arrivée nous sommes capables de définir un potentiel de valorisation quantitatif à mettre en rapport avec une note qualité et une note ISR.
Nous avons déjà évoqué Illiad dans les conférences précédentes, une des premières lignes du fonds qui s’est avantageusement distinguée dans le secteur des télécommunications. Nous voudrions donner deux autres exemples qui illustrent la pertinence de la démarche : dans un secteur au cœur de la crise, Voyageurs du Monde, qui a toujours démontré beaucoup de respect pour l’environnement, pour ses clients, ses partenaires et ses collaborateurs, se félicitait hier (jeudi 23 avril) lors de la présentation de ses résultats de la compréhension et de l’aide que lui apportaient ses clients dans cette période très difficile et qui lui permettra d’en sortir plus forte. Dans un secteur beaucoup moins touché, nous notons qu’Atos justifie pleinement sa bonne note : alors même que l’activité est particulièrement résistante et que le bilan est désendetté, signe d’une gestion prudente en haut de cycle, Atos donne l’exemple avec une baisse du salaire des dirigeants et la suppression du dividende.
Obligations - Jacques Sudre
Sur les marchés obligataires, nous notons un resserrement des spreads depuis l’annonce la semaine dernière d’achats d’obligations à haut rendement par la FED. Actuellement, les marges de crédit en euro sur le haut rendement liquide sont inférieures à 500bps. La BCE a logiquement fait une annonce mercredi. Elle accepte désormais et jusqu’à septembre 2021, les obligations notées Investment Grade en mars comme collatéral pour le refinancement bancaire. Cela semble destiné à protéger notamment l’Italie qui pourrait perdre sa notation Investment Grade, sa dette publique s’apprêtant à dépasser 150% de son PIB. Par capillarité, cela bénéficie aussi aux entreprises qui perdent leur notation Investment Grade pour basculer dans le segment High Yield, les Fallen Angels.
Les souverains affectés par la crise ne sont pas en reste. Ainsi l’Italie et ensuite l’Espagne ont émis des montants significatifs sur cette dernière semaine, respectivement 16Mds€ et 15Mds€ (la demande a atteint 120 milliards dans le premier cas et 92 milliards dans le second).
Sur le marché primaire, où les émissions largement Investment Grade se multiplient, les marchés sont réceptifs. Même les émetteurs récemment dégradés en BB comme Ford se refinancent massivement (l’émission initiale de 3 Mds$ a finalement été portée à 8 Mds$). Néanmoins nous ne réinvestissons pas massivement dans le but d’arbitrer les Banques Centrales. La tentation est grande mais il semble que la profondeur de la crise économique dans laquelle nous entrons doive nous inciter à maintenir notre sélectivité sur les profils de crédit.
Nous étions tout aussi prudents avant le déclenchement de la crise pour éviter d’être mal rémunéré pour des risques excessifs. Nous continuons aujourd’hui dans le même but évident, mais aussi parce que les défauts et difficultés des entreprises vont mécaniquement augmenter. L’agence de notation Moody’s les estime en Europe à 7,8% à fin 2020 et 8% dans un an, le niveau constaté actuellement est de 1,7%. Certes les achats de Banques Centrales pourront aider certaines à se refinancer, mais elles n’éviteront pas les restructurations et les défauts. Les secteurs les plus affectés comme le transport ou la distribution sont actuellement à l’avant-garde de défauts appelés à se répandre dans d’autres secteurs.
C’est pourquoi nous ne rachetons pas massivement mais opérons une sélection attentive.
Les dossiers que l’on surveille particulièrement :
- Solocal. Ils ont décidé de ne pas payer le coupon pour préserver la trésorerie. Le notionnel de la dette représente 2x l’EBITDA avant crise, ce qui laisse de la marge dans le bilan.
- SME Credit. Il s’agit d’un fonds de prêts aux TPE britanniques et américaines coté à Londres. La valeur traite avec une décote sur la valeur des prêts de plus de 40%, ce qui suppose un taux de défaut supérieur à 50%.
Nous nous sommes par ailleurs positionnés récemment sur l’obligation Easyjet avec un rendement de 8% à horizon 2023. Easyjet présente le meilleur business model du secteur. Contrairement aux autres compagnies, le groupe est propriétaire de sa flotte et la dette représente moins de 50% de sa valeur comptable. Il a une liquidité adéquate pour passer les mois qui viennent et a accès au financement public. C’est vrai aussi pour Ryanair mais la société ne paye que 5% à horizon 2023. Nous restons toujours attentifs à trouver des rémunérations adaptées au profil de risque.
La poche obligataire du fonds Sextant Grand Large se situe à 16%. Le rendement des obligations qui composent cette poche atteint 9,3% pour une sensibilité au risque de taux de 2,1 ou une durée moyenne de 2,6 ans.
Notre poche de liquidité qui était de 50% avant crise atteint aujourd’hui 26%. C’est essentiel pour pouvoir continuer à saisir des opportunités aussi bien en actions qu’en obligations.
Conclusion
Nous avons remonté l'exposition aux différentes classes d'actifs en absolu et en relatif. Le fonds dispose aujourd'hui de 3 moteurs de performance : une poche action longue, une poche action couverte et une poche obligataire ; tout cela complété par une poche de liquidité permettant d'amortir une forte volatilité mais surtout de réinvestir si d'autres phases de baisses prononcées se présentaient.
Notre allocation est le fruit de notre approche quantitative de la valorisation des marchés. Il nous arrive aussi de regarder ce que font les autres., notamment un investisseur dont la holding est d'ailleurs dans notre portefeuille : c'est Warren Buffet avec Berkshire Hathaway. Or, le célèbre investisseur a la même approche que la nôtre, en privilégiant la prudence relative. Pour lui, on ne peut pas mesurer aujourd’hui l’impact de tous les évènements, tout comme il est difficile d’évaluer les conséquences des différentes réactions des Banques Centrales et des gouvernements.
Compte tenu des deux prochains vendredis fériés, notre prochain rendez-vous est fixé au mercredi 6 mai à 14h30.
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