Après le mouvement déjà ample des bons du Trésor US, la pression risque de se renforcer sur leurs rendements.
Cette année, le mouvement le plus ample sur les marchés obligataires a été enregistré par les bons du Trésor US sous la forme d’un bear steepener de la courbe, dont l’extrémité courte est restée inchangée tandis que les échéances plus longues se bradaient dans une vaste fourchette allant de 10 pb pour les 5 ans et à juste au-dessus de 20 pb pour les 30 ans. Les Gilts et les Bunds ont suivi une évolution similaire, mais dans une mesure bien moindre.
Révisions des anticipations de croissance US
Si nous pensions effectivement que les bons du Trésor US seraient les emprunts d’Etat les moins performants du G7 cette année alors que les Bunds afficheraient quant à eux une surperformance, l’ampleur du mouvement sur les bons du Trésor lors des premières séances de 2021 s'est avérée plus importante que prévu initialement.
La réaction du marché a été essentiellement motivée par la perspective de voir des programmes de relance budgétaire à grande échelle intégrés dans les prix des actifs après la victoire du parti démocrate en Géorgie, qui lui assuré le contrôle du Sénat américain. Il sera ainsi beaucoup plus facile pour l’administration Biden d’imposer assez rapidement les mesures de soutien liées au coronavirus, et il est également probable qu’un plan d'investissements dans les infrastructures soit adopté ces prochains mois (ce qui pourrait toutefois bien aller de pair avec des hausses d’impôts). Les montants évoqués sont énormes, de l’ordre de plusieurs billions de dollars. Ces aides supplémentaires signifient que les anticipations de croissance US devraient être révisées à la hausse pour 2021, et aussi que l’offre de bons du Trésor US sera supérieure aux prévisions. Ces deux facteurs ne sont pas de bon augure pour les rendements UST.
Hausse de l’inflation
Pour couronner le tout, les taux d’inflation au comptant et anticipés devraient augmenter au fil des mois, ce qui pourrait accroître la pression sur les rendements du Trésor américain. Avec le retour à la normale de la demande agrégée, l’inflation globale – actuellement très faible en raison du choc sans précédent de l'année dernière – emboîtera le pas.
L’une des conditions indispensables pour une hausse soutenue de l’inflation est toutefois l’augmentation des salaires, ce qui nous paraît improbable en 2021. Le marché du travail américain est encore loin d’avoir retrouvé son dynamisme; la population active a diminué de près de quatre millions de travailleurs l'année dernière, pendant que le nombre de chômeurs a progressé d’environ cinq millions. En 2020, près de neuf millions d’emplois ont été détruits aux Etats-Unis. Dans ce contexte, il est difficile d’imaginer des pressions à la hausse sur les salaires, principal facteur qui inciterait la Fed à resserrer sa politique monétaire. En résumé, l’inflation devrait bien augmenter en 2021 mais sans préoccuper outre mesure les banques centrales.
Le flou règne sur le déploiement des soutiens budgétaires
Notre prévision pour les rendements UST à 10 ans était initialement de 1,30% pour la fin 2021. Au vu des résultats de l’élection en Géorgie et de la perspective de plans de relance budgétaire à plus grande échelle, cet objectif semble un peu bas et 1,50% nous paraît aujourd’hui plus réaliste.
Toutefois, la manière exacte dont ces soutiens budgétaires seront déployés jouera un rôle central et nous suivrons cela de très près. Si la consommation des ménages et les investissements privés se redressent vraiment en 2021, et que le gouvernement se lance dans une expansion budgétaire de grande ampleur, la revitalisation du marché du travail pourrait être beaucoup plus rapide que prévu. Par conséquent, l’inflation pourrait progresser plus fortement et influencer les décisions de la Fed en matière de taux d'intérêt si des pressions salariales sont en vue. A l’heure actuelle, les indications prospectives pointent toutefois en faveur d’une politique inchangée pendant encore deux ans. La vigilance reste donc de mise.
Felipe Villarroel
Felipe Villarroel a rejoint TwentyFour en 2011 et est gestionnaire au sein de l'équipe des obligations multisectorielles. Il est également membre du comité d'investissement. Avant de rejoindre TwentyFour, il a travaillé en tant qu'analyste chez Celfin Capital au Chili, aujourd’hui intégré à BTG Pactual. Felipe est diplômé de la Pontificia Universidad Catolica de Chile avec un baccalauréat en économie et administration des affaires et une maîtrise en finances de la London Business School. Felipe est également titulaire du titre de CFA.
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