L’entrée en scène de Mario Draghi dans la politique italienne force l’admiration. En quelques jours l’ancien patron de la BCE a fait l’unanimité, ralliant presque l’ensemble de la scène politique italienne, du mouvement Cinq étoiles jusqu’à la Ligue de Matteo Salvini en passant par le Parti Démocrate, Italia Viva de Matteo Renzi et Forza Italia de Silvio Berlusconi.
Un attelage si hétéroclite réussira-t-il vraiment à déployer une politique commune ?
Les commentaires des observateurs ne tarissent pas d’éloges à propos du récent tour de force de Mario Draghi et il est vrai que la manière dont il a su fédérer l’ensemble des partis autour de lui relève de l’exploit. Cela témoigne de l’immense sens politique du sauveur de l’euro qui confirme être un habile négociateur, bien au-delà de la simple figure de l’excellent technicien que l’on nous présente habituellement. Super Mario a présenté les grandes lignes de son action pour les prochains mois : relancer au mieux l’économie de la péninsule à la faveur de la manne européenne de plus 200 milliards destinée à l’Italie et engager des réformes structurelles de la fonction publique, de la justice et du marché du travail, tout en favorisant la modernisation du tissu industriel italien.
Que la mention de réformes d’inspiration libérale n’ait pas fait fuir le mouvement Cinq étoiles ou la Ligue constitue également une vraie prouesse. Mais on peut se demander si cette union sacrée ne se fissurera pas au fil des mois à mesure que des décisions concrètes devront être prises, tant les positions des uns et des autres sont demeurées irréconciliables pendant des années. Pour dire les choses rapidement, rappelons que les populistes d’un côté et les libéraux de droite et de gauche de l’autre ne partagent pas le même diagnostic sur la situation italienne. Pour les premiers les difficultés du pays ont longtemps été comprises comme liées au carcan européen, en particulier à la monnaie unique européenne trop forte. Dans ce cadre d’analyse, la solution consiste à transférer des ressources de l’Europe du Nord vers les pays du Sud victimes d’une devise peu adaptée à leurs économie. Pour les seconds les difficultés de l’Italie proviennent essentiellement de rigidités structurelles entraînant une productivité insuffisante. Il faut donc selon cette vision mettre en œuvre rapidement des réformes favorisant la croissance, comme le demande Bruxelles.
Ces deux approches sont antagonistes au point que l’on peut se demander si le miracle politique italien des derniers jours ne relève pas du malentendu. Les populistes voient sans doute en Mario Draghi l’homme qui saura obtenir les faveurs de Bruxelles. A l’inverse, les libéraux, la commission européenne et les marchés imaginent que Mario Draghi pourra imposer sans heurts des évolutions douloureuses dans l’administration et auprès de la population italienne. Si Mario Draghi réussit dans les faits à donner satisfaction aux uns et autres, il entrera sans nul doute dans l’histoire comme un homme politique d’exception.
Florent Delorme, Macro-stratégiste M&G
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