Alors que les marchés évaluent le risque lié au variant Omicron, Kristina Hooper vous dit ce que nous savons, ce que nous ignorons et ce que cela pourrait signifier pour certaines classes d’actifs.
Blog Kristina Hooper : Dans mon blog du 1er novembre intitulé Neuf enjeux que les investisseurs devront surveiller cette semaine, j’ai écrit ceci : « J’entends souvent dire que la bourse ne se soucie plus de la COVID, que c’est du passé. C’est un luxe que nous pouvons nous permettre lorsque le nombre de cas d’infections à la COVID est en chute libre. Or, la COVID demeure un enjeu économique et boursier de taille… »
Les deux enjeux qui me préoccupent toujours sont le risque que les chaînes d’approvisionnement demeurent perturbées, en particulier dans les pays qui ont adopté une politique de tolérance zéro pour la COVID et le risque d’un scénario du « pire des cas », à savoir l’émergence d’un variant de la COVID résistant aux vaccins disponibles.
Il semble que les marchés boursiers se sont à nouveau souciés de la COVID vendredi dernier, lorsque les actions ont dégringolé à l’échelle mondiale à l’annonce de l’émergence du variant Omicron. Le moment est venu une fois de plus pour les économistes et les stratèges de jouer aux épidémiologistes en herbe en plus de s’acquitter de leurs tâches quotidiennes.
Que s’est-il passé ?
Un nouveau variant appelé Omicron (B.1.1.529) est apparu. Il a été identifié pour la première fois en Afrique du Sud, mais son origine demeure incertaine ; l’Afrique du Sud a probablement été la première à le détecter simplement parce qu’elle effectue un séquençage du génome beaucoup plus élaboré que de nombreux autres pays.
Des cas confirmés du variant Omicron ont été répertoriés dans un certain nombre de pays, notamment en Israël, en Belgique, à Hong Kong, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Italie, en République tchèque et au Canada.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a qualifié le variant Omicron de « variant préoccupant » vendredi dernier, soit le 26 novembre. L’OMS attribue deux qualificatifs aux variants qu’elle souhaite suivre de près, soit « variant d’intérêt » et « variant préoccupant », qu’elle juge plus dangereux.
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Un « variant d’intérêt » présente des modifications génétiques dont on sait qu’elles affectent ou dont on prévoit qu’elles affecteront les caractéristiques du virus telles que la transmissibilité, la gravité de la maladie, l’échappement immunitaire et/ou la capacité d’échapper au traitement. En outre, les variants d’intérêt font craindre un risque émergent pour la santé publique mondiale, par exemple, parce qu’ils provoquent une forte transmission communautaire dans plusieurs pays.
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Un « variant préoccupant » répond à la définition de « variant d’intérêt » etest associé à un ou plusieurs des éléments suivants : 1) augmentation de la transmissibilité ou évolution préjudiciable de l’épidémiologie de la COVID-19; 2) augmentation de la virulence ou modification du tableau clinique; 3) diminution de l’efficacité des mesures de santé publique et sociales ou des outils de diagnostic, des vaccins et des traitements disponibles.
Il importe de noter que le variant omicron n’est pas le premier à être affublé de ce qualificatif plus sérieux. L’Organisation mondiale de la santé a qualifié de « préoccupants » quatre autres variants : Alpha, Beta, Gamma et Delta.1 Par ailleurs, elle a identifié deux variants dits « d’intérêt » : Lambda et Mu.1
Que sait-on du variant Omicron ?
Les autorités sanitaires ont noté que le variant Omicron est plus préoccupant que le variant Delta en raison de sa structure unique : il comporte beaucoup plus de mutations de la protéine de spicule que le variant Delta. Le problème est que ces mutations pourraient rendre la maladie à la fois plus transmissible et plus grave, mais on ignore encore si c’est le cas.
Maria Van Kerkove de l’OMS a déclaré que les nombreuses mutations du variant Omicron « ont des caractéristiques inquiétantes », mais a précisé qu’il faudra l’étudier plus en profondeur pour savoir de quoi il en retourne.2 Le 29 novembre, l’Organisation mondiale de la santé a émis un avertissement disant que ce variant présente un risque « très élevé » à l’échelle mondiale.3
Bien qu’il semble être très contagieux, nous avons des raisons de croire qu’il pourrait s’agir d’un variant moins grave, car un rapport initial suggère que le variant Omicron pourrait entraîner des symptômes bénins. Dre Angelique Coetzee, présidente du conseil de l’Association médicale sud‑africaine, a traité un certain nombre de patients atteints du variant Omicron dont les symptômes étaient « différents, mais légers ».
Par contre, elle se dit très préoccupée par les personnes âgées et immunodéprimées : « Ce dont nous devons nous inquiéter maintenant, c’est que lorsque des personnes plus âgées et non vaccinées seront infectées par le nouveau variant, bon nombre d’entre elles pourraient être atteintes d’une forme grave de la maladie. »4
Quelle a été la réaction des autorités ?
Les chefs d’État ont réagi rapidement à ce nouveau variant. Plus de 20 nations ont imposé des interdictions sur les voyages dans certains pays. Le gouverneur de l’État de New York a déclaré « l’état d’urgence » en raison de l’augmentation du nombre de cas d’infections à la COVID-19 et de la menace de ce nouveau variant.
Nous avons entendu une bonne nouvelle, à savoir que les travaux ont déjà commencé pour mieux comprendre le variant Omicron. Pfizer et BioNTech, Moderna, Johnson & Johnson et AstraZeneca ont tous déclaré qu’ils testent déjà leurs vaccins respectifs contre ce nouveau variant. Pfizer et BioNTech ont annoncé qu’elles devraient être en mesure de modifier rapidement leur vaccin afin qu’il puisse protéger la population contre le variant Omicron. « Si jamais un variant qui échappe aux vaccins émergeait, Pfizer et BioNTech croient pouvoir développer et produire un vaccin adapté à ce variant en environ cent jours, sous réserve des approbations réglementaires. »5
De plus, certaines grandes puissances économiques accélèrent l’administration de la dose de rappel, ce qui devrait contribuer à réduire la transmission du variant Delta et des autres variants, et éventuellement du variant Omicron si les vaccins disponibles sont efficaces contre ce variant. Le Royaume-Uni, par exemple, a décidé le 29 novembre de mettre les doses de rappel de vaccins à ARN messager à la disposition de tous les adultes et de réduire de moitié, soit à trois mois, l’écart entre la deuxième et la troisième dose.
De plus, il se peut que la réticence à la vaccination diminue avec l’émergence d’un variant potentiellement plus infectieux ou plus virulent, comme cela s’est produit dans certains pays après l’émergence du variant Delta.
Des négociations sont en cours pour faire adopter un traité mondial sur la pandémie qui pourrait un jour aider à surmonter certains obstacles internationaux qui entravent le déploiement des vaccins et la concertation entre les pays des efforts visant à ralentir la propagation du virus. La prévention et la gestion des pandémies vont probablement demeurer des enjeux économiques majeurs, tandis que l’urbanisation se poursuit dans de nombreux pays émergents aux taux de croissance démographique élevés et au développement rapide.
Comment les marchés ont-ils réagi ?
Les investisseurs ont paniqué vendredi, sans doute parce qu’ils anticipaient le pire. Les marchés boursiers se sont repliés et l’indice de volatilité VIX a fait un bond de plus de 50 %. Les prix du pétrole ont chuté de façon spectaculaire et les cryptomonnaies ont perdu de la valeur. Or, vendredi a été un jour de bourse marqué par un faible volume de transactions (en raison du congé de l’Action de grâce aux États-Unis), ce qui a probablement exacerbé le repli boursier. Les actions mondiales ont eu des résultats plus mitigés jusqu’à présent (en ce jour du 29 novembre) ; les actions américaines et européennes ont mieux résisté que les actions asiatiques.
Quelles sont les retombées sur les placements ?
Les investisseurs craignent que ce nouveau variant génère un scénario du pire des cas qui pourrait replonger de nombreuses régions du monde dans les jours sombres de 2020 et forcer des confinements généralisés si les vaccins disponibles ne protègent pas contre ce variant ou s’il est beaucoup plus contagieux que le variant Delta. Étant donné que le temps froid est revenu dans de nombreuses grandes économies et que certains pays européens imposaient déjà un confinement avant la découverte de ce variant, cela ne ferait qu’exacerber les problèmes et exercerait une pression à la baisse sur les actions, en particulier les plus cycliques.
Dans ce scénario, nous nous attendons à ce que les investisseurs ressortent leur livre de jeux du milieu de 2020, dans une conjoncture où la politique monétaire serait accommodante, les rendements réels des obligations seraient en baisse et les actions de croissance surclasseraient les actions de valeur.
Quelles sont nos impressions de la situation ?
Nous sommes conscients qu’il faudra probablement attendre plusieurs semaines avant d’avoir suffisamment d’information sur le variant Omicron pour savoir s’il s’agit effectivement de la grande menace que les marchés semblent craindre. Il va falloir attendre les avis de davantage de médecins-experts, notamment pour savoir si les vaccins disponibles peuvent protéger efficacement la population contre ce nouveau variant. D’ici là, nous allons devoir nous armer de patience et ne pas laisser nos émotions dicter nos décisions de placement.
Il se peut fort bien que les marchés se replient davantage et que la volatilité s’accentue dans les semaines à venir en raison de ce variant, compte tenu de l’incertitude qu’il génère et de la vive réaction de nombreux chefs d’État. Même si nous sommes persuadés que les marchés ne chuteront pas autant qu’au début de 2020, les gains appréciables des titres cycliques ces derniers temps nous portent à croire que nous pourrions assister à une forte correction boursière.
À notre avis, ce sont les actifs tels les produits industriels, les actions et les biens immobiliers qui subiront les plus lourdes pertes. Comme l’Europe était déjà aux prises avec une nouvelle vague de COVID et de confinements, et que bon nombre des cas du nouveau variant ont été découverts en Europe, nous croyons que les actions européennes pourraient être parmi les moins performantes (et qu’on peut s’attendre à d’autres baisses, en plus du recul d’environ 4 % de certains grands indices européens6 vendredi).
Nous croyons que les secteurs les plus vulnérables sont les voyages et loisirs (y compris le tourisme d’accueil), les ressources de base et le commerce de détail. Selon nous, les secteurs les plus à l’abri des replis sont les technologies de l’information, les soins de santé et les services aux collectivités. Parmi les facteurs qui risquent d’avoir des répercussions sur les actions, on s’attend à ce que la faible volatilité de certains titres leur permette d’obtenir les meilleurs rendements.
Parmi l’ensemble des catégories d’actifs, nous pensons que les obligations d’État, l’or, les obligations de bonne qualité et les liquidités pourraient être les plus performantes. Du côté des devises, ce sont généralement le yen et le franc suisse qui ont obtenu les meilleurs résultats en pareilles circonstances.
Cela étant dit, nous tenons à préciser que les investisseurs n’ont aucune raison de paniquer. Rappelons que ceux qui ont délaissé les actions lors de la chute des marchés boursiers en mars 2020 ont raté un rebond impressionnant au cours de l’année qui a suivi. Nous croyons fermement que, même si les vaccins disponibles ne protègent pas contre le variant Omicron et qu’il est plus transmissible et virulent que les autres variants, ce n’est pas le moment de paniquer. Les sociétés pharmaceutiques se disent confiantes que la technologie des vaccins à ARN messager devrait leur permettre d’adapter leurs vaccins afin qu’ils protègent la population contre ce variant. Par conséquent, à notre avis, il n’y a aucune raison que nous retournions aux jours sombres de 2020.
En ce qui concerne nos perspectives de placement, nous allons maintenir la répartition actuelle de l’actif et considérer les replis comme de potentielles occasions de placement.
Nous sommes plutôt d’accord avec le consensus qui émerge selon lequel l’impact du variant Omicron sur la croissance économique sera probablement inférieur à celui des confinements antérieurs et des nouveaux variants, car de nombreuses économies et secteurs ont appris à composer avec la distanciation sociale et le télétravail. Cependant, il se peut que d’autres secteurs et entreprises soient touchés si les mesures de confinement ou d’autres restrictions ciblées se multiplient.
L’impact que ce nouveau variant aura sur l’inflation est difficile à évaluer, mais l’inflation touchera probablement davantage les marchandises que l’ensemble de l’activité économique. Nous prévoyons que les pressions à la baisse sur les prix des produits de base et de l’énergie seront contrebalancées par la persistance des problèmes d’approvisionnement, de logistique et de pénurie de main-d’œuvre dans la production et le transport de marchandises, dont la forte demande pourrait même être accentuée par la propagation du variant Omicron, tandis que le secteur tertiaire, en particulier le tourisme, les loisirs et l’hôtellerie, risque de perdre son élan. L’inflation des marchandises pourrait également être alimentée par les politiques de tolérance zéro, les mesures de confinement et les restrictions sur les voyages en Extrême-Orient.
Quels sont les risques associés à nos perspectives de placement ?
Nous attendons d’en savoir plus des médecins-experts et des sociétés pharmaceutiques sur la transmissibilité et la virulence de ce variant et sur l’efficacité des vaccins pour protéger la population contre le variant Omicron. Si les vaccins disponibles doivent être modifiés, nous allons suivre de près l’évolution de la situation.
D’ici là, nous allons devoir surveiller attentivement la rigueur des mesures sanitaires et les données sur la mobilité, surtout pendant la période de magasinage des Fêtes, qui revêt une importance capitale. Tel que mentionné précédemment, certains décideurs ont rapidement imposé des interdictions sur les voyages dans certains pays. Ceux qui sont plus réticents à le faire n’auront peut-être pas le choix d’en venir là si les hôpitaux se remplissent à plein capacité ou s’ils viennent à déborder. Ce serait économiquement problématique et cela aurait probablement un impact négatif sur les marchés boursiers et les prix du pétrole. Dans ce scénario, nous nous attendons à ce que les investisseurs ressortent leur livre de jeux du milieu de 2020, dans une conjoncture où la politique monétaire serait accommodante, les rendements réels des obligations seraient en baisse et les actions de croissance surclasseraient les actions de valeur.
En l’absence de mesures sanitaires rigoureuses, il est très important de surveiller de près les données sur la mobilité. Malgré l’attention médiatique, les gens pourraient décider de continuer de magasiner et d’aller au restaurant comme si de rien n’était. Par exemple, la fin de semaine dernière, 110 000 personnes ont assisté à un match de football à l’Université du Michigan, en faisant abstraction des nouvelles concernant le variant Omicron, ce qui laisse présumer qu’il est peu probable que les gens restent à la maison à moins que des mesures de confinement ne leur soient imposées.
Le plus grand risque, à notre avis, serait que les sociétés pharmaceutiques soient incapables de développer un vaccin pour protéger la population contre ce variant, mais cela semble peu probable à ce stade-ci. Même si c’était le cas, nous avons développé des mécanismes d’adaptation qui permettent aux économies de continuer de fonctionner et d’éviter le scénario du pire, auquel nous avons été confrontés en 2020.
Par Kristina Hooper, Stratégiste en Chef - Marchés mondiaux, Invesco
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