L’univers des CGP ne cesse d’évoluer. Parmi ces évolutions se trouve notamment la concentration des plates-formes bancaires utilisées par les CGP pour gérer le patrimoine financier de leurs clients.
Le récent rachat de la plate-forme Sélection 1818 (Groupe BPCE) par Nortia illustre la poursuite de la consolidation des plates-formes bancaires dédiées aux CGP. Ces derniers savent que ce mouvement n’est pas nouveau : plusieurs plates-formes de ce type ont déjà été rachetées par d’autres acteurs au cours des dernières années, ou ont tout simplement mis un terme à leurs activités.
Rappelons ainsi que depuis une dizaine d’années, les conseillers en gestion de patrimoine ont connu l’arrêt de la plate-forme CPR « Service Prestige » (Groupe Crédit Agricole), la vente de « Sélection R » (Rothschild & Cie) à BPCE, l’arrêt de Cortal Consors (Groupe BNP Paribas) et enfin la vente de Sélection 1818 (Groupe BPCE) à Nortia. Une question légitime se pose : pourquoi assiste-t-on à un tel mouvement de concentration ?
Trois raisons expliquent la concentration des plates-formes
La première raison est liée aux risques opérationnels inhérents à l’activité de ces plates-formes. Parmi eux se trouve notamment la gestion des rétrocessions à verser aux conseillers en gestion de patrimoine, parfois complexes à calculer, sans oublier les risques liés aux passages d’ordres correspondant aux arbitrages des CGP et de leurs clients. Le passage d’ordre peut en effet, dans certains cas, donner lieu à des erreurs de saisie faisant courir aux établissements des risques d’exposition non souhaités sur les marchés financiers.
La seconde raison tient à la pression réglementaire qui touche l’ensemble des métiers de la finance. Ces évolutions réglementaires sont bien sûr positives pour la protection des clients et vont donc dans le bon sens. De même, elles permettent de réduire certains risques opérationnels et incitent tous les acteurs du secteur à adopter de bonnes pratiques. Toutefois, ces réglementations complexifient le fonctionnement des plates-formes, qui doivent tenir compte d’un nombre croissant de contraintes administratives chronophages. Ces contraintes réduisent donc les marges de manœuvre des plates-formes pour développer leur activité.
Enfin, la dernière raison de ce mouvement de concentration tient à la rentabilité des plates-formes. Cette rentabilité est parfois faible, voire trop faible par rapport aux risques associés à ces activités. C’est notamment cette raison qui a pu, par le passé, pousser certaines entités à cesser leurs activités ou à les céder à d’autres acteurs cherchant quant à eux à bénéficier d’économies d’échelle pour améliorer leur gestion des coûts.
Quel avenir pour cette activité en mutation ?
Le mouvement de concentration à l’œuvre depuis une dizaine d’années n’est pourtant pas inéluctable.
En premier lieu, ce mouvement semble désormais proche de son terme, puisque le nombre d’acteurs présents sur ce marché en France est désormais restreint. Surtout, des solutions existent pour permettre aux plates-formes d’être plus rentables et donc plus résilientes à long terme. Ces solutions passent inévitablement par une accélération de leur digitalisation. En plus de simplifier les démarches des clients, la digitalisation peut permettre d’automatiser un certain nombre de tâches administratives et opérationnelles, permettant de diminuer les coûts d’acquisition et les coûts de fonctionnement de ces plates-formes en leur permettant de défendre leurs marges.
Le seul frein face à la digitalisation reste généralement lié au coût de ces investissements à court terme. Leur rentabilité ne se concrétise en effet qu’à moyen-long terme, d’où une éventuelle réticence des plates-formes pour s’engager dans ce type de stratégie.
Certaines plates-formes préfèrent ainsi étoffer leur gamme de produits sans placer le digital au cœur de leurs préoccupations actuelles. Cette stratégie reste néanmoins particulièrement risquée à long terme : pour ces sociétés, seule une poursuite de la course à la taille leur permettra de sauvegarder leurs marges, sans s’assurer une réelle viabilité. Franchir le pas du digital reste donc un enjeu crucial pour l’ensemble des plates-formes bancaires dédiées aux CGP, et celles qui sauront s’en emparer le plus rapidement seront assurément les gagnantes de demain.
Pascal Vieville est directeur général de Finavéo.